[Chronique fantasy] Boudicca, de Jean-Laurent del Socorro

Boudicca ne cesse de dire que les mots ne sont pas faits pour elle, et pourtant ceux qu’elle exprime m’ont bien souvent bouleversée.

Acherontia Nyx

Synopsis

Angleterre, an I. Après la Gaule, l’Empire romain entend se rendre maître de l’île de Bretagne. Pourtant la révolte gronde parmi les Celtes, avec à leur tête Boudicca, la chef du clan icène. Qui est cette reine qui va raser Londres et faire trembler l’empire des aigles jusqu’à Rome ? À la fois amante, mère et guerrière mais avant tout femme libre au destin tragique, Boudicca est la biographie historique et onirique de celle qui incarne aujourd’hui encore la révolte.

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[Chronique fantasy] Les sœurs Carmine. T2, Belle de gris, d’Ariel Holzl

Je me suis même surprise à éclater de rire à plusieurs reprises – le tout suivi d’une quinte de toux caverneuse, sinon ce n’est pas comique.

Synopsis

Trois semaines séparent Tristabelle Carmine du Grand Bal de la Reine. Trois semaines pour trouver la robe de ses rêves, un masque, une nouvelle paire d’escarpins… et aussi un moyen d’entrer au Palais. Car Tristabelle n’a pas été invitée. Mais ça, c’est un détail. Tout comme les voix dans sa tête ou cette minuscule série de meurtres qui semble lui coller aux talons.

En tout cas, elle ne compte pas rater la fête. Quitte à écumer les bas-fonds surnaturels de Grisaille, frayer avec des criminels, travailler dans une morgue ou rejoindre un culte. S’il le faut, elle ira même jusqu’à tuer demander de l’aide à sa petite sœur. Car Tristabelle Carmine est une jeune femme débrouillarde, saine et équilibrée. Ne laissez pas ses rivales ou ses admirateurs éconduits vous convaincre du contraire. Ils sont juste jaloux. Surtout les morts.

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[Chronique steampunk] La machine de Léandre, de Alex Evans

Le mélange entre fantasy magique et steampunk proposé par l’auteure est vraiment très réussi. Je crois qu’Alex Evans a atteint le niveau expert en mixologie !

Acherontia Nyx

Constance Agdal, excentrique professeur de sciences magiques, n’aspire qu’à une chose : se consacrer à ses recherches et oublier son passé. Malheureusement, son collègue disparaît alors qu’il travaillait sur une machine légendaire. La jeune femme le remplace au pied levé et fait la connaissance de Philidor Magnus, un inventeur aussi séduisant qu’énigmatique. Bientôt, une redoutable tueuse et un excentrique et un richissime industriel s’intéressent à ses travaux, sans oublier son assistant qui multiplie les maladresses et un incube envahissant…

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[Chronique thriller] Sublimation, de Bastien Pantalé

Le monde de l'art, c'est un peu comme celui des rêves. Lorsque nous y entrons, nous allons d'inspirations nébuleuses en fantasmes malsains, de beauté ultime en violence extrême…

Acherontia, in : "Chronique de sublimation"

[Chronique thriller] Sublimation, de Bastien Pantalé

Bordeaux, place de la Bourse, une œuvre d’art intrigue les passants. Le meurtre atroce qu’elle dissimule annonce une psychose sans précédent. Dans son atelier parisien, Damian Leisenberg subit les assauts de visions persistantes, des scènes macabres laissant présager le pire. Le controversé Capitaine Bonhoure se lance sur la piste d’un tueur en série pour le moins créatif, mais face à la complexité de l’enquête, ses dons de criminologue ne seront rien sans les avis éclairés du Lieutenant Torrès. Du port de la lune à Paris, le duo d’enquêteurs, impuissant, assiste au décompte des victimes. Dans la lignée de Seven, un thriller psychologique qui changera à jamais votre regard sur l’Art.

[Chronique thriller] Sublimation, de Bastien Pantalé
[Chronique thriller] Sublimation, de Bastien Pantalé

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Acherontia's chronicles – Sublimation

[Chronique thriller] Sublimation, de Bastien Pantalé
[Chronique thriller] Sublimation, de Bastien Pantalé

…Ce roman n'est pas à mettre entre toutes les mains!

Certaines scènes violentes, voire gores, pourraient mettre mal à l'aise certains lecteurs plus sensibles.

[Chronique thriller] Sublimation, de Bastien Pantalé
[Chronique thriller] Sublimation, de Bastien Pantalé

Il n'y a pas si longtemps, je n'avais encore jamais entendu parler de Bastien Pantalé, ni de ses romans autoédités. Le hasard faisant souvent bien les choses, l'auteur, qui est probablement tombé par hasard sur mon blog, m'a proposé de chroniquer un de ses romans, au choix. Il y avait un roman plutôt SF qui me tentait bien aussi, mais j'ai finalement jeté mon dévolu sur ce roman, Sublimation. J'étais en effet intriguée par le résumé et curieuse de voir comment l'auteur allait mêler art et crimes.

Après lecture, je me dis que mon choix fut bon, même si j'ai encore envie de m'essayer à la SF de l'auteur.

[Chronique thriller] Sublimation, de Bastien Pantalé
[Chronique thriller] Sublimation, de Bastien Pantalé
[Chronique thriller] Sublimation, de Bastien Pantalé
[Chronique thriller] Sublimation, de Bastien Pantalé

Le première chose qui m'a permis d'accrocher à l'histoire, c'est le style d'écriture de l'auteur, qui allie fluidité et rythme, avec un soupçon de poésie quand cela est nécessaire. Certes, tout n'est pas parfait, mais pour un roman autoédité, on est déjà sur un travail de très bonne qualité, et l'on sent tout le potentiel d'écriture qui se cache derrière ces 365 pages.

Personnellement, j'aurais appuyer un peu plus sur certaines descriptions, les retravailler pour rendre l'ambiance plus glauque et malsaine encore. Mais c'est juste une question de point de vue.

Il tourna la tête dans toutes les directions, tentant de distinguer une forme reconnaissable. Rien, trop de lumière. Le silence fut de courte durée. Il lui sembla distinguer des bruits de pas, d’outils… puis un gémissement, long, saisissant. Le son lui parvint étouffé, comme entravé par un bâillon. À nouveau le silence. Puis encore un cri de douleur. Entre les plaintes de cet humain qu’il ne pouvait pas voir, Charles distingua des sons encore plus dérangeants, plus organiques. Quelque chose d’extrêmement perturbant le fit tressaillir, un mélange entre le bruit d’un tissu que l’on déchire et un grincement vibrant dans l’air. Un goutte-à-goutte, puis l’écoulement d’un liquide épais, et encore des cris. C’était des chairs que l’on malmenait, le corps d’un homme ou d’une femme subissait les pires sévices. Quelqu’un souffrait à quelques mètres de lui, agonisait entre les mains d’un inconnu, et il n’était même pas capable de se relever. Le son horrifiant d’un os qui se rompt le saisit en pleine poitrine et lui arracha un cri de frayeur. Il ne pleurait plus seulement à cause de la lumière à présent. Pourtant, Charles Girard n’était pas homme à s’émouvoir facilement. L’odeur de la peur, l’odeur de la mort l’atteignit pour la première fois.

Sublimation, de Bastien Pantalé

[Chronique thriller] Sublimation, de Bastien Pantalé
[Chronique thriller] Sublimation, de Bastien Pantalé

Une des grandes forces du roman, ce sont ses personnages ; ils sont terriblement réalistes, humains et, pour ma part, très attachants.

Manoa, l'enquêteur en charge du dossier dont il est question dans le roman, n'est pas juste là en figure de détective fade et sans volume. L'auteur s'est attaché à lui donner un background historique fourni, ainsi qu'une histoire personnelle touchante qui prend parfois le pas sur l'enquête elle-même. Sa relation avec Zina, une jeune femme russe et ex-prostituée. Sa relation même avec l'enfant de Zina, qu'il protège comme s'il s'agissait du sien. Et sa folle lutte pour délivrer sa bien-aimée des griffes de son ancien maque.

Quant à sa coéquipière improvisée, Aurora, on en sait moins sur son compte, mais elle s'impose par son caractère et sa présence comme un des personnages phares de l'histoire.

Les deux forment un duo de choc qu'il est plaisant de suivre au fil du récit. Chacun a ses qualités et ses défauts, sa sensibilité et son bagage personnel ; le tout mis ensemble leur permet d'appréhender au mieux l'enquête et de trouver des solutions auxquelles personne n'aurait pensé.

Manoa et Aurora, chacun de leur côté, laissaient germer les idées les plus fantasques dans leurs cerveaux particulièrement irrigués par les évènements de ces derniers jours. En enquêteur expérimenté, Bonhoure savait très bien qu’il n’aurait aucune certitude tant qu’il ne se serait pas assis de l’autre côté de la table, tant qu’il ne serait pas allé au fond des choses. Se retrouver face à ce type, plonger son regard dans le sien, et le confronter aux photos et à ce que furent ses victimes de leur vivant… Alors, et seulement alors, il pourrait se faire une idée. Et encore, peut-être que son interrogatoire ne ferait que renforcer ses doutes. Pour l’heure, ça ne tenait pas debout. Ses doigts tapaient nerveusement la poignée intérieure du véhicule ; ils y étaient presque.

Sublimation, de Bastien Pantalé

Il y a aussi Damian, l'artiste, qui est amené à se poser des questions sur lui-même, sur ces rêves étranges qui le réveillent en sursaut durant la nuit, à ces indices qui divergent vers lui, le liant irrémédiablement à l'enquête en cours. Sa petite amie Liya, qui est également son modèle, serait-elle en danger?

[Chronique thriller] Sublimation, de Bastien Pantalé
[Chronique thriller] Sublimation, de Bastien Pantalé

Le monde de l'art, c'est un peu comme celui des rêves. Lorsque nous y entrons, nous allons d'inspirations nébuleuses en fantasmes malsains, de beauté ultime en violence extrême… Tous ces aspects semblent opposés, et pourtant tout se rejoint, au sein même du concept d'art. Dès lors, de tout ce qui constitue nos balises, le bien mal, le beau, le laid, l'ordre et le chaos, plus rien de tout cela n'existe vraiment. Cette réalité se reflète jusque dans le chef du tueur de ce roman, appelé "Le sculpteur". Il croit faire le beau, pourtant il montre ce que l'humain porte de pire en lui : la mort. Il croit faire le bien, mais cette notion est-elle la même pour tout le monde? Il croit travailler dans l'ordre, mais il sème le chaos derrière lui.

Dans quel but le Sculpteur officie-t-il? Cherche-t-il seulement à corriger les torts de la société en supprimant celles et ceux qu'il considère comme nuisibles, ou y a-t-il un dessein plus profond et plus sombre encore?

Voici un autre point fort de ce roman, au travers duquel l'auteur nous propose de nombreuses réflexions au sujet de l'art. De tous les thrillers que j'ai pu lire, peu au final traitent de l'art de cette façon. C'était original et bien amené, et j'ai donc eu plaisir à découvrir la façon dont cette thématique était traitée. Oui, au final, pour ce point précis, le roman m'a un peu rappelé le film Seven… Surtout dans la façon dont les meurtres sont amenés.

Le sculpteur ne vit dans ses larmes qu’une expression de la beauté créatrice, l’émotion de se voir prendre forme sans doute. Il donna d’abord leurs positions aux bras et aux jambes, profitant de la température élevée du métal pour obtenir la forme souhaitée. De toutes ses forces, il plia, tourna et écarta, sentant les os grincer, le cuir tirer et se déchirer par endroits ; il façonna le squelette de son œuvre. Pour la tête, la manœuvre fut plus délicate : il fit d’abord pénétrer la tige sous la clavicule, suffisamment en profondeur, pour ensuite la faire remonter et la planter sous la mâchoire. Enfin un port de tête gracieux !

Sublimation, de Bastien Pantalé

[Chronique thriller] Sublimation, de Bastien Pantalé
[Chronique thriller] Sublimation, de Bastien Pantalé

Une chose qui m'a un peu gênée, en revanche, ce sont tous ces termes "à la française" qui pullulent tout au long du texte. Une grande partie du roman se situe dans le milieu judiciaire français, d'où la surabondance de termes spécifiques, et surtout, d'acronymes comme nos amis savent les pondre. OCBC, ENSP, FNAEG, et j'en passe… Personnellement, je m'y suis complètement perdue. Surtout qu'étant belge, les noms ne sont pas du tout pareils chez nous. Certes, quelques termes étaient expliqués et définis dans les notes, mais ces notes n'arrivent qu'en toute fin de roman, et jusqu'à preuve du contraire, ma liseuse ne me permet pas de cliquer sur la note, puis de revenir en arrière, à la bonne page. Alors, plutôt que de risquer de perdre ma page, j'ai préféré rester dans mon ignorance et faire abstraction de mon incompréhension. Après tout, et je vous rassure sur ce point, le roman se comprend très bien sans nécessairement comprendre tous les termes spécifiques à la PJ…

— T’es aux Biens Culturels depuis longtemps ?
— Ça va faire trois ans. Après une licence en Histoire de l’Art, j’ai validé un Master en Droit des Affaires, spécialité Marché de l’Art, puis j’ai intégré l’ENSP7 de Saint-Cyr.
— Excusez-moi du peu ! taquina Manoa avec un accent mondain qui extirpa un petit rire nerveux à la jeune femme.
— Tu ne crois pas si bien dire. Mon père est l’ancien ambassadeur du Venezuela à Paris.
— Oh, mais on m’envoie du beau monde dites-moi !
— Arrête ! J’ai toujours voulu défendre le patrimoine culturel français – je suis Française par ma mère –, et à l’OCBC, j’ai trouvé comment me rendre utile.

Sublimation, de Bastien Pantalé

[Chronique thriller] Sublimation, de Bastien Pantalé
[Chronique thriller] Sublimation, de Bastien Pantalé

Donc, dans l'ensemble, le roman se laisse lire de très agréable façon. Un point, toutefois, m'a vraiment laissée sur ma faim, et non des moindres, puisque c'est de la chute qu'il s'agit. L'identité du fameux Sculpteur et le lien que le relie à Damian.

J'ai un peu de mal à comprendre tout le mystère que l'auteur fait autour de ce lien, tellement cela saute aux yeux, et ce dès le début du roman. Moi, je m'étais dit que peut-être l'auteur nous mettait sur une fausse piste exprès, pour mieux nous retourner comme un gant en fin de roman. Eeeeeh non! Lecteurs, si comme moi vous avez eu la prescience de cette chose que l'auteur cherche absolument à cacher, apprêtez-vous à être déçu dans les derniers chapitres. Car vous aurez découvert le pot aux roses bien trop tôt, et comme moi, vous serez sans doute déçu du manque d'originalité de la chose.

En se glissant dans le jardin qui aurait très bien pu le voir grandir, le colosse pensait aux traits qu’il donnerait à sa prochaine œuvre, au masque surtout, qu’il sculpterait lui-même, l’expression qu’il souhaitait lui donner revêtait trop de sens pour qu’il se contente d’un objet déjà formé ; le couteau, lui, porterait son propre sang. Quelle douceur d’imaginer ce salaud disparaître sous la pâleur purificatrice du plâtre !
Le fragile grillage plia sous le poids du rôdeur, et la haie hétéroclite qu’on avait oublié d’entretenir le dissimula presque jusqu’à la terrasse. Étrange de constater qu’un si bref passage en ces lieux puisse lui laisser autant de souvenirs ; rien n’avait vraiment changé, le jardin et la maison semblaient encore plus ternes sous la lumière ténue de la lune, et la même odeur de bois pourri agressait ses narines. Il l’avait pourtant aimée cette fragrance, ce parfum de nature qui lui évoquait jadis la forêt profonde ; jusqu’à ce qu’on le place dans cette famille d’accueil, son ultime chance de connaître une vie “normale”. Préadolescent, il avait posé les choses, s’était concerté avec ses multiples démons, et était prêt à faire un effort. Il cacherait tous ses vices et ses penchants macabres aux yeux du monde, serait plus lisse qu’un lac inerte, si cela pouvait lui apporter la sécurité et la stabilité d’un foyer. Oui, il était prêt à se faire violence, à garder tout cela pour lui seul, quitte à mentir à la terre entière, à commettre ses forfaits en douce. Il accepterait d’être un jeune homme irréprochable.

Sublimation, de Bastien Pantalé

[Chronique thriller] Sublimation, de Bastien Pantalé
[Chronique thriller] Sublimation, de Bastien Pantalé

Pour résumer ce que j'ai pensé de cette lecture, qui fut très agréable en de nombreux points, je dirais surtout que, malgré l'écriture fluide et rythmée, les personnages attachants et le sympathique lien des meurtres avec l'art, certaines petites choses peuvent être encore améliorées. Certaines longueurs, notamment, qui pourraient être abrégées. De trop nombreux termes spécifiques à la PJ, abrégés en acronymes incompréhensibles pour qui n'est pas français et au fait de l'univers judiciaire. Ils sont expliqués en note, mais en fin de roman, c'est qui est, pour le dire platement, emmerdant, parce que cela freine la lecture.

Donc oui, j'ai apprécié ma lecture dans l'ensemble, mais j'ai été cruellement déçue par la fin, et par l'explication de ce lien qui unit le meurtrier à Damian, l'artiste. Beaucoup trop téléphoné à mon goût… Je m'en suis doutée dès les premiers chapitres, et j'attendais de l'auteur qu'il me surprenne en proposant un lien tout autre. Voilà pour le bémol…

Mais d'une façon générale, c'était tout de même un bon roman, qui procurera les frissons nécessaires aux amateurs du genre.

[Chronique thriller] Sublimation, de Bastien Pantalé
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[Chronique thriller] Sublimation, de Bastien Pantalé
[Chronique thriller] Sublimation, de Bastien Pantalé

Kerry Le Gres (Les perles de Kerry)

Sagweste (Sagweste in librio)

[Chronique thriller] Sublimation, de Bastien Pantalé

Lu dans le cadre du Défi lecture 2017…

n°51.     Un livre qui se déroule dans le milieu artistique

[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz

L'auteur ouvre une brèche dans le tissu superficiel de l'humanité et s'amuse à nous y faire chuter. Mais de fond point il n'y a. Car la turpitude, le vice, la folie et l'horreur n'ont pas de limites…

Acherontia, chronique de "Poétique du morcellement"

[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz

« Des pleurs étouffés tirèrent Rachel de son inconscience. Elle ouvrit les yeux mais demeura plongée dans le noir. Il lui fallut plusieurs secondes avant de réaliser qu’elle n’était plus ligotée. Un petit cri s’échappa de sa gorge et, en une seconde, elle fut debout, tâtonnant nerveusement à travers l’obscurité qui l’enveloppait. Essoufflée, elle heurta un mur, écarta les bras puis en toucha deux autres latéralement. Elle se retourna brusquement, fit trois pas précipités et rencontra une autre cloison. Hystérique, elle battit des bras comme pour déchirer le voile de ténèbres qui l’oppressait. Elle hurla avant de plaquer ses mains sur sa bouche, ne laissant plus sortir qu’un grognement pitoyable. Et si son agresseur l’observait, au-delà des cloisons, attendant le moment propice pour lui tomber dessus et la torturer? Qui l’avait amenée ici et pourquoi ? Luttant pour contenir le flot de peur brute qui ne demandait qu’à corrompre son corps et son esprit, elle demeura immobile quelque temps, prostrée. Puis, reprenant ses esprits, elle tendit l’oreille. Les sanglots s’étaient arrêtés, mais il lui sembla entendre la voix lointaine d’un homme. L’air charriait des relents d’excréments et de moisissures, c’était la première fois qu’elle le remarquait. »

[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz
[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz

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Acherontia's chronicles – Poétique du morcellement

Playlist aussi disponible sur YouTube…

PS : The coronation de Dishearten a été remplacé par Portal of Anatolia du même groupe. Quant au morceau d'Eros Necropsique, je n'ai pas pu le trouver sur Youtube…

[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz
[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz
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[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz
[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz
[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz
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[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz
[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz
[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz
[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz
[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz

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[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz
[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz

…Ce roman n’est clairement pas à mettre entre toutes les mains!

Comme le dit l’auteur lui-même, cette lecture est déconseillée aux humanistes végétariens. J’ajouterai que, d’une façon générale, je ne la conseille pas aux âmes sensibles.

[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz
[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz

Je vais encore faire dans l’original, sur le coup, je le sens venir ^^

L’auteur m’a donc proposé son roman en m’envoyant un gentil petit mail sur la boîte du blog… Après lecture dudit mail et du résumé, j’ai accepté, parce que le thème et le ton me plaisaient, et que je n’étais pas trop débordée en apparence.

Mouais… En apparence, seulement! Parce que le gentil monsieur, cela fait un an qu’il l’attend, sa chronique, pauvre de lui! Je n’en suis pas fière, croyez-moi… C’est la tête basse et le regard fuyant que je m’installe derrière ce PC. Pour peu, on pourrait me confondre avec le teckel du voisin… Attendez! Mais le voisin n’a pas de teckel?! Enfin, oui, vous m’avez comprise.

À ma décharge, le livre est tout petit et tout fin. Pour vous dire, un petit quinze centimètres de hauteur, pour cinq millimètres d’épaisseur. On dit souvent que ce n’est pas la taille qui compte, mais dans ce cas-ci, sa taille lui a permit de se faufiler loin loin dans ma PAL, et de s’y cacher si bien que je ne l’ai retrouvé que récemment lors de mon déménagement. Je pense que ce livre est conscient des horreurs qu’il renferme, et qu’il me jugeait trop sensible pour me délivrer ses sombres petits secrets.

C’est dommage, car l’auteur s’était chargé de le tatouer avant de me l’envoyer. Une magnifique dédicace à rallonge en première page, avec un emoji diablotin prêt à me piquer le popotin avec sa fourche. Il y avait pourtant de quoi me donner l’eau à la bouche!

Soit, j’ai remis la main sur le bouquin fugueur, je l’ai donc lu une fois mon déménagement terminé, et voici ce que j’en ai pensé… Je vais vous le décortiquer nouvelle après nouvelle, ce sera plus simple.

[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz
[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz
[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz

D’une façon générale, l’écriture de l’auteur est fluide et bien maîtrisée. J’ai apprécié le vocabulaire parfois soutenu, le français impeccable, la rythmique agréable des récits. Premier bon point, Monsieur Janulewicz, c’est bien! Au troisième, vous aurez des bonbons!

Tenez, voici un second bon point pour vous : J’ai trouvé que les nouvelles, pour la plupart, étaient bien construites, distillant peu à peu le suspens, faisant sombrer le lecteur de plus en plus dans les insondables abîmes de l’horreur. Une nouvelle en particulier m’a interpellée à ce niveau-là, je vous en parle un peu plus loin. 

Quant aux chutes, élément primordial pour une nouvelle réussie, la plupart étaient totalement imprévisibles et ont réussi à me surprendre. À part une, mais là aussi, je vous en parle plus loin. Et voilà, Monsieur Janulewicz, troisième bon point! Bravo, vous voici l’heureux propriétaire d’un authentique sachet de Carimbo! À moins que vous préfériez les Haribar? (Petit clin d’oeil que seul celui qui a déjà lu ce recueil pourra comprendre…)

[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz

Synopsis

Un restaurateur a reçu la visite impromptue d’un critique culinaire, et n’est guère ravi de l’article écrit à son sujet. Il rumine sa colère, jusqu’au jour où le critique revient dans son établissement…

Mon avis

Une sympathique mise en bouche pour ce recueil de nouvelles… Mauvais jeu de mot, s’il en est, je sais! Mais cela ne devrait pas étonner celles et ceux qui me connaissent.

La chute est assez chouette, car plutôt inattendue. Ceci étant, la nouvelle se compose surtout de la « lecture » de la critique acide reçue par le restaurateur, et je l’ai trouvée longuette. Un peu plus d’action pure aurait été la bienvenue.

J'ai laissé s'exprimer le molosse impitoyable que j'abritais à mon insu. Dans ma vie, j'ai découpé, tranché, filé des milliers de morceaux de viande, mais là c'est une expérience inédite. Et ultime.

Ver solitaire. In : Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz

[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz

Synopsis

Daniel bricole chez lui un dimanche, jusqu’au moment où il est interrompu par sa propriétaire. Celle-ci lui reproche de faire trop de bruit…

Mon avis

Pas mal, mais sans plus. J’ai trouvé la fin franchement téléphonée (et là, je vous donne un indice sans même le vouloir!). Disons que je me suis moi aussi essayée à l’art de la nouvelle. Je me suis par conséquent informée quant aux différents types de chute possible, et ceci faisait partie des exemples trouvés. En revanche, le côté sanglant et morbide est au rendez-vous, palliant un peu le manque d’originalité.

La saisir par les cheveux pour lui fracasser le crâne contre le mur est la première idée qui traverse l'esprit de Daniel. Résistant néanmoins à la tentation, il espère une réaction plus civilisée.

Bricoleur du dimanche. In : Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz

[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz

Synopsis

Des femmes sont enlevées et séquestrées dans un but qu’elles ignorent. Lorsqu’elles en découvriront la raison, il sera déjà trop tard pour elles…

Mon avis

La meilleure nouvelle de ce recueil, à mon sens. J’ai beaucoup aimé sa construction. Un peu à la façon d’une macabre poupée russe, on découvre au fur et à mesure que les couches du récit se soulèvent des horreurs toujours pires que les précédentes. Jusqu’à la surprise finale, bien évidemment, subtilement cachée sous des monceaux de mots putrides et de syntaxe nauséabonde. L’ambiance du récit elle-même est glauque à souhait. L’auteur ouvre une brèche dans le tissu superficiel de l’humanité et s’amuse à nous y faire chuter. Mais de fond point il n’y a. Car la turpitude, le vice, la folie et l’horreur n’ont pas de limites…

Avachie sur le sol, revêtue seulement de ses dessous crasseux, Laura redressa la tête avec difficulté. À travers sa vision déformée par les larmes et la drogue qui commençait à agir, la silhouette floue de l'homme qui se tenait en face d'elle semblait onduler comme une plante d'aquarium.

Fantasme ultime. In : Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz

[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz

Synopsis

Un homme est licencié de façon injuste alors qu’il travaillait depuis des années pour une firme de bonbons. Il était chargé de rédiger les blagues imprimées au dos des emballages. Le destin va frapper à sa porte d’une bien étrange manière pour lui proposer de prendre sa revanche.

Mon avis

Pas mal, mais peut faire mieux au niveau de la rédaction. Je pense que le récit et les différents éléments de suspense auraient pu être agencés de façon plus machiavélique encore…

Il enfila des gants en latex et attrapa un bonbon qu'il agita au-dessus de sa tête. Rien dans son aspect ne le distinguait des autres, mis à part qu'il semblait d'un gabarit un peu plus important. L'homme ôta la papillote et agita son contenu sous les regards incrédules du groupe, qui explosa en jurons et cris de dégoût.

Dernière blague. In : Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz

[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz

Synopsis

Prostrée chez elle dans la misère et la crasse, une femme est sur le point d’accoucher alors que son copain vient de la larguer.

Mon avis

Une petite nouvelle ma foi fort sympathique, si l’on aime les récits désespérés où la misère côtoie l’horreur. Je n’ai qu’un seul regret, qu’elle ne soit pas un peu plus développée. Je sais que c’est volontaire de la part de l’auteur (enfin, je le suppose…), mais un peu plus de suspense et de matière m’aurait fait encore plus plaisir.

Front plissé, paupières si serrées qu'elles semblent hermétiquement fermées, le visage de Rosy est un masque de colère taillé dans un bois envahi de stries. Si Franck se tenait en face d'elle, le venin qu'elle déverserait lui ferait l'effet d'un acide.

Petite poupée. In : Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz

[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz

Synopsis

Un vieil homme doit aller donner son sang, mais c’est un acte qu’il n’a encore jamais fait, et il se sent stressé. L’infirmière fait de son mieux pour le rassurer, mais le passé resurgit parfois au moment où on s’y attend le moins, et pas toujours de la façon la plus agréable…

Mon avis

Alors là, je suis sur le derrière, comme on dit. La chute est complètement inattendue! Enfin… On commence à se douter de quelque chose vers la moitié du texte, mais sans toutefois pouvoir mettre le doigt sur THE truc qui va vous faire bondir à la toute fin. Une dernière nouvelle assez bien construite et rédigée qui clôture un sympathique recueil de nouvelles digne des froides soirées d’Halloween…

Un fracas de verre brisé, la tôle qui se déchire. Paul a les os broyés, les chairs éclatées. La douleur, fulgurante, lui coupe la respiration. Terrorisé, il tend une main tremblante vers le visage de son père qui le regarde avec une expression de tristesse infinie.

Redemption sangles. In : Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz

[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz

Vous l’aurez compris, dans ce très (trop) court recueil de nouvelles, il y a du bon et du moins bon. Je ne vous dirai pas qu’il y a à boire et à manger, car ce sont là des mets auxquels l’on n’a guère envie de goûter, à moins d’être nécrophile, ou scatophile, ou cannibale, ou…

Bref, ceci n’est clairement pas un recueil à mettre à la portée de tous. Mais les amateurs du genre horrifique y prendront un certain plaisir, surtout s’ils sont en plus portés sur l’humour noir.

[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz
[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz
[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz

FungiLumini (Livraisons littéraires)

Eléonore (Le repaire des livres)

Mélisande (Lire ou mourir)

[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz
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[Chronique] Poétique du morcellement, de Romano Vlad Janulewicz

Livre lu dans le cadre du Défi lecture 2017…

Thème 74 : Un titre imagé (qui n’a rien à voir avec le thème)

[Chronique] Yzé et le palimpseste, de Florent Marotta

Yzé, c'est un peu la Chuck Norris des arts magiques. Je ne serais pas étonnée que l'auteur nous apprenne qu'elle a compté jusqu'à l'infini deux fois.
Plus sérieusement j'ai sincèrement apprécié cette lecture, malgré la profusion de personnages et de clans qui ont rendu mon introduction dans l'univers d'Yzé un peu compliquée. L'histoire proposée est relativement simple, mais elle est émaillée d'une foule d'éléments très intéressants.

Achérontia

Synopsis…

Ambre Delage est une lycéenne lambda. Orpheline de père et de mère, elle vit chez sa tante Lucy qui l'élève depuis sa naissance. Un soir, un événement dépassant l’entendement va brusquement la jeter dans un tourbillon de révélations qu'elle était loin d'imaginer. Dès lors, pour la jeune fille tout bascule. Il faut fuir. Fuir sa vie tranquille, fuir son identité. Mais qui est-elle vraiment ?

La loi d'attraction universelle…

Cette lecture m'a été proposée par les éditions Taurnada, et envoyée sous forme d'ebook il y a déjà quelques mois de cela. Je tiens d'ailleurs à m'excuser une nouvelle fois auprès de l'auteur et de l'éditeur qui ont attendu longtemps cette chronique. Ma santé n'a malheureusement pas été au top niveau ces derniers temps, et plus rien de bon ne sortait de ma plume. Résultat des courses, les chroniques sortaient au compte-goutte (et encore, l'instrument semblait en mauvais état de fonctionnement…), et mon blog se voyait pratiquement délaissé. Je m'en suis longtemps désolée, sans pour autant pouvoir remédier à la situation.

Heureusement, les choses tendent à s'améliorer, et je reprends peu à peu le chemin de l'écriture, encore que je me sente comme un faon effectuant ses premiers pas sur le sol inégal de la forêt. Mais l'envie de reprendre y est, et c'est ce qui compte! 

Préambule…

Je commencerai cette chronique en vous disant qu'à la lecture de ce roman, j'ai distingué deux parties plus ou moins distinctes, surtout au point de vue du style. Je diviserais le livre en deux parts égales, à quelques pages près.

Je vous avouerai que j'ai dû m'accrocher durant la première partie. Pas que le roman était désagréable à lire, au contraire, mais l'histoire était si dense qu'elle en devenait difficilement pénétrable. C'est ce que je vais vous expliquer dans les paragraphes qui suivent.

Puis au fil de l'histoire, au fur et à mesure que je me suis rodée aux personnages, aux différents camps, aux tenants et aux aboutissants, je suis progressivement entrée dans l'histoire… pour ne pratiquement plus décrocher jusqu'à la fin.

Une première partie de roman riche…

De bonnes bases…

J'évoquais plus haut mes difficultés à "entrer dedans". Je ne peux bien sûr pas exclure que ceci résulte partiellement de mon récent passage à vide et de mes soucis de santé. Mais, ayant lu l'avis d'autres lecteurs et blogueurs sur différents sites, je ne peux que les rejoindre en ce sens que l'histoire est incroyablement dense et ne se laisse pas facilement aborder. 

Les premiers chapitres, pourtant, étaient prometteurs, encore que l'idée de départ puisse paraître un peu téléphonée. Une jeune fille, Ambre, rentre chez elle après l'école avec un ami. Le soir même, elle et sa tante sont agressées à leur domicile et doivent fuir pour leur survie. Dès lors, ce qui faisait le quotidien d'Ambre se voit définitivement bouleversé, à commencer par sa propre identité. Vous en conviendrez, c'est un début d'histoire assez typique.

Mais… car il y a toujours un mais… très vite, on se rend compte que l'on n'a pas affaire à un univers typique. Des anomalies se glissent dans le monde tel qu'on le connaît, des termes étranges qui ne figurent certainement pas au dictionnaire viennent émoustiller la curiosité (qu'est qu'une "nova", au juste?). Plus les deux femmes en fuite s'enfoncent dans les rues de la ville, et plus notre univers si familier vacille. Les artères urbaines semblent bizarrement peuplées… Il n'y a plus de foule vaquant à leur shopping ou flânant devant les vitrines. En revanche, on voit surgir des personnalités insolites, des membres d'une confrérie très conservatrice aux attitudes particulièrement agressives. Qui sont ces Frères de la Lumière qui commettent tant d'atrocités? Et ces gens qui poursuivent les deux femmes, ils ont de bien étranges pouvoirs… Et la tante d'Ambre, n'a-t-elle pas elle aussi manipulé les éléments de façon étonnante? D'ailleurs, la voilà qui appelle Ambre par un autre prénom, Yzé… La jeune fille, perdue, ne peut que se reposer sur sa tante pour s'en tirer. Quant au lecteur, perdu lui aussi, dépaysé plutôt, il ne peut que se reposer sur l'auteur pour espérer quelques explications.

Ambre s’accrocha à Lucy pour se donner du courage et elles avancèrent dans le brouillard. Derrière elle, la bête avait cessé de crier.
La progression dans cette purée de pois était une expérience stressante pour Ambre. Sa vision s’arrêtait à l’épaule de sa tante qui la précédait. Sur quoi allaient-elles tomber ? Et la créature qui avait mis fin à ses hurlements. Était-elle morte ou avait-elle réussi à s’échapper ? Ses nerfs étaient mis à rude épreuve. Plusieurs fois, le voile glissa sur une masse sombre qui se révéla être un objet inanimé pour le plus grand soulagement d’Ambre.
Lucy semblait progresser sans difficulté apparente. Elle usait de prudence, mais n’était pas gênée par la visibilité réduite. Au bout de quelques minutes, elle parut pourtant tâtonner. Revenue sur ses pas, elle s’arrêta enfin devant une porte en bois avec un heurtoir. Lucy saisit l’anneau de fer que tenait une gueule de loup et cogna contre le montant. Ambre sursauta tellement le son résonna. D’un œil inquiet, elle scrutait les volutes qui les entouraient. Elle se sentait oppressée et s’attendait à ce qu’une tête de chauve-souris surgisse du néant.

Yzé et le palimpseste, de Florent Marotta

Un foisonnement de personnages…

Très vite, les actions s'enchaînent et le suspens est à son comble. Yzé et sa tante parviendront-elles à quitter la ville saines et sauves? Et c'est à ce niveau-ci de l'histoire que cela se corse…

Là où je suivais paisiblement – ou presque – les mésaventures des deux héroïnes, essayant de me familiariser avec l'univers pratiquement post-apocalyptique proposé par l'auteur, bam! Me voici assaillie d'une salve incroyable de nouveaux personnages. En l'espace de quelques chapitres, je fais la connaissance – pas toujours agréable – d'une mère et de son fils, tous les deux Frères de la Lumière, qui veulent capturer Yzé. D'autres Frères de la Lumière interviennent aussi, qui semblent être les commanditaires de cette mise à prix. Puis l'on rencontre quelques personnages turbulents issus d'un clan de magiciens appelés les Magis. Il y a ceux qui poursuivent Yzé, et il y a ceux qui tirent les ficelles. Et je dois bien avouer que je me suis un peu emmêlée les pinceaux dans une profusion de noms et de personnalités étranges et assez peu bienveillantes.

Peu de temps après, on fait la connaissance des habitants du village Wicce, et là non plus, ce n'est pas simple. En gros, ils sont nombreux, et dans leur grand nombre, on distingue des "gentils" Wicce, qui essaient d'aider Yzé, et des "moins gentils" Wicce, qui aimeraient bien la mettre à la porte par jalousie et envie. Mais attention, car ce village Wicce comporte aussi des "non-Wicce", une famille mise au ban de leur petite société presque bien rodée pour de sombres histoires du passé. On les appelle les Tugenstein, et la plupart des gens du village les évitent pour leur étrangeté. 

Bref, vous l'aurez compris, des personnages, il y en a beaucoup, et ce n'est pas toujours facile de se rappeler de tous les noms et du clan auquel ils appartiennent. En attendant que l'histoire me permette de me familiariser plus avec chacun, j'ai avant tout retenu s'ils étaient pour ou contre Yzé. Et c'est déjà pas mal. 

Mais au fait, pourquoi Yzé ne s'appelle-t-elle pas Ambre, au final? Et pourquoi les deux tiers des personnages souhaitent-ils sa mort? 

Elle était très grande et très mince, noueuse. Son visage était dur, première impression renforcée par les os qui saillaient sous sa peau et le rendaient aussi abrupt qu’une paroi rocheuse. Ses cheveux coupés très court lui donnaient un air masculin.
Yzé regarda Lucy s’approcher d’elle et la serrer dans ses bras. Les deux femmes échangèrent quelques mots et revinrent.
« Ange, une très ancienne amie », fit Lucy qui la désigna de la main.
Le regard que porta la nouvelle arrivante sur Yzé la cloua sur place. Elle voulut lui souhaiter la bienvenue, lui dire qu’elle était contente de connaître une amie de sa tante, mais la lueur de colère qui passa dans ses yeux l’en empêcha. Puis son visage se transforma et Ange présenta sa main à Yzé, un timide sourire aux lèvres.
« Enchantée », dit-elle.
Yzé se demanda ce que signifiait cette expression qu’elle avait entraperçue, puis bredouilla un bonjour.
« C’est une Wicce d’air, comme toi, Fall. »
Fall la regarda des pieds à la tête comme s’il la jaugeait et se résolut à lui tendre la main. Sa grosse paume enserra celle, fine et sèche, d’Ange. Aucun des deux ne prononça un mot.

Yzé et le palimpseste, de Florent Marotta

Des Wicce et des Magis…

Je vous parlais de deux clans distincts de magiciens, les Wicce, dont Yzé et sa tante font partie, et les Magis, qui leur cherchent des noises. 

Les Wicce sont des magiciens qui manipulent les éléments, c'est-à-dire l'eau, le feu, l'air et la terre. Chaque Wicce contrôle un seul de ces éléments.

Pour les Magis, c'est un peu différent. D'ailleurs, ils sont plus sorciers que magiciens. Car ils utilisent une forme de magie plus sombre qui leur permet de s'assurer les services de démons qu'ils invoquent lorsqu'ils en ont besoin. Et qui dit démons dit souvent vilaines bestioles malfaisantes, pernicieuses et violentes. 

Les deux clans se vouent une haine mutuelle assez violente et en viennent aux mains (ou devrais-je plutôt dire, aux sorts) bien trop souvent.

Il existe d'autres formes de magie, comme celle des Tugenstein, radicalement différente de celle des Wicce et des Magis. Mais je vous laisse découvrir par vous-même de quoi il retourne…

Ce fut le froid de la roche qui l’accueillit. Elle en ressentait les aspérités, sa rugosité, mais rien d’autre.
« Je ne ressens rien.
– C’est normal la première fois, expliqua Lucy. Tu as eu une expérience du pouvoir quand tu as frappé Myria. C’est cette sensation que tu dois retrouver. Je vais t’aider. »
Lucy posa sa main par-dessus celle d’Yzé et Ange appliqua la sienne à côté.
Elle sentit la douce chaleur de sa tante qui contrastait avec la froideur de la roche. Puis des fourmillements commencèrent à lui parcourir les doigts et se propagèrent à ses bras. Yzé se concentra davantage pour retrouver la sensation de bouillonnement. Ce fut plus simple qu’elle ne l’avait cru. Son ventre se mit à vibrer d’une tiédeur qui l’enivra jusqu’à envahir chaque particule de son être. Le monde autour d’elle prit une autre teinte, plus brillante, comme s’il révélait sa véritable nature. Les couleurs étaient plus intenses, profondes et chaque chose pulsait de vie.

Yzé et le palimpseste, de Florent Marotta

Des Frères de la Lumière…

Les Frères de la Lumière sont donc un ordre religieux particulièrement conservateur et virulent. Ils s'opposent fermement à toute forme de magie, quelle qu'elle soit, et n'hésite pas à torturer ou mettre à mort tous ceux qui la pratique. 

Très vite, l'on s'aperçoit qu'ils se servent de leur religion comme d'un prétexte pour "casser du magicien". Mais finalement, n'est-ce pas une belle métaphore de ce que nous vivons en ce moment avec certains intégristes? 

Le temps jadis. Le sujet préféré de Lucy Delage. Ambre l’avait tellement entendu qu’elle n’en pouvait plus. Un temps où les villes n’étaient pas ce qu’elles sont devenues. Une époque où le religieux n’avait pas une place si prédominante et n’était pas source de conflit.
Nova Lugdunum s’était appelée Lyon autrefois. Les bourgades avoisinantes avaient été absorbées par une population sans cesse grandissante. Et puis ç’avait été la famine, la lutte pour l’eau et un bout de terre. Certains pensaient que c’était un châtiment divin, d’autres que c’était une seconde chance. Quoi qu’il en soit, la démographie avait drastiquement décliné avec les guerres pour les ressources et les nouvelles maladies. Aujourd’hui, la plupart des humains vivaient à l’intérieur d’espaces sécurisés appelés Nova.
Ce n’était pas le paradis, mais les Nova avaient donné un semblant de protection à ses habitants, quand à l’extérieur les hommes survivaient ou mourraient selon la loi du talion.
Lucy Delage s’inquiétait particulièrement de la montée des religieux et principalement de la Fraternité de la Lumière. Branche dévoyée du Christianisme, un groupe de fanatiques qui prêchaient pour que l’homme tende vers la Lumière, vers Dieu. Des milliers de personnes adhéraient à ce mouvement croissant. Quand, en plein désarroi, on vous promettait une vie meilleure, les désespérés étaient enclins à y croire.
Le gouverneur de Nova Lugdunum avait bien du mal à s’opposer à la puissance des Frères de la Lumière, si bien qu’il n’avait pu empêcher la création du Saint-Office, sorte d’inquisition moderne.

Yzé et le palimpseste, de Florent Marotta

Un personnage (trop) parfait…

Dans l'absolu, Yzé est parfaite. Trop parfaite, même. 

Elle est belle, pour commencer. De longs cheveux roux bien fournis, de grands yeux verts, mince (le corps, hein, pas les yeux!). Bref, un véritable ravissement pour la vue. Par-dessus le marché, c'est une demoiselle intelligente, sensible mais pas trop, sociable, à l'écoute des autres, toujours prête à aider ou à consoler, tolérante, ouverte d'esprit, volontaire, et dotée d'un caractère bien trempé. Que demander de mieux?

Ces deux points, déjà, suffiraient à attirer suffisamment de convoitises pour justifier le fait qu'autant de monde lui en veuille. Mais il y a autre chose encore…

Yzé est douée. Incroyablement douée. Les pouvoirs des Wicce nécessitent plusieurs années d'étude et de pratique pour les maîtriser? Qu'à cela ne tienne! Yzé apprend tout cela en quelques journées seulement! Il faut toute une vie ou plus pour apprendre à maîtriser d'autres éléments que le sien? Qu'à cela ne tienne! Yzé apprend cela en une petite semaine! 

Yzé, c'est un peu la Chuck Norris des arts magiques. Je ne serais pas étonnée que l'auteur nous apprenne qu'elle a compté jusqu'à l'infini deux fois. Là, c'est sûr, un personnage aussi gonflé de perfection, moi, ça me donne des envies de meurtre. Mais il y a encore autre chose…

La demoiselle ferait partie intégrante d'une prophétie ancienne, et beaucoup aimerait que celle-ci ne se réalise pas. Mais chuuuuut! Je ne vous ai rien dit…

Mais ne croyez pas que je me gausse bêtement du personnage d'Yzé, car il m'est moi-même arrivé de créer des personnages pour qui tout est trop facile. Je ne peux décemment pas jeter la pierre, d'autant plus qu'Yzé a des côtés très attachants aussi. Certes, elle est parfaite à tous points de vue, mais la vie ne l'a pas épargnée (orpheline, tout de même…) et elle continue à ne pas lui faire de cadeaux. Si elle semble tout réussir au niveau magique, je peux vous assurer que le tragique de la vie la rattrape plus vite qu'un Eurostar lancé à pleine vitesse. 

 

La lumière s’infiltra petit à petit et força Yzé à refermer ses paupières et à passer sa tête sous l’oreiller.
L’abri de la couette ne suffit pas pour éviter la déferlante d’images qui s’imposa à son esprit. Elle revit en accéléré la dernière nuit qui s’était avérée mouvementée. Avec précaution, elle sortit sa tête de sa cachette et ouvrit les yeux. Le lit de Lucy était vide, les couvertures repoussées dans le fond.
Yzé s’assit et voulut attraper ses habits qu’elle avait déposés sur la chaise proche de la fenêtre. Ils n’y étaient plus et en lieu et place elle en trouva d’autres correctement pliés en une pile. Yzé sourit à cette attention qui ne pouvait venir que de sa tante et se pencha pour saisir les vêtements. Son regard s’arrêta sur une paire de bottes noires en cuir souple sans talons. Habillée de la tête au pied !
Le pull serré lui allait à merveille. Tout à fait dans ses goûts. Noir intense, petites sangles qui partaient de divers endroits. Le pantalon, lui, était neutre. De la même couleur que le haut, il possédait de grandes poches sur les côtés qui le faisaient ressembler un peu à un baggy en plus ajusté. Yzé passa les bottes qu’elle remonta par-dessus le pantalon. Satisfaite, elle se leva et fit jouer ses doigts de pied. Elle se sentait à l’aise et l’aurait été davantage si elle avait pu faire un brin de toilette.

Yzé et le palimpseste, de Florent Marotta

Une seconde partie de roman captivante…

Vous n'imaginerez jamais ce qui m'est tombé dessus une fois que je me suis faite aux personnages initiaux? Des nouveaux personnages, tiens! 

Ils me tenaient en embuscade, dissimulés derrière le coin d'un chapitre. Fi, les vilaines créatures! Des Magis, en plus… Et pas n'importe lesquels! De vieux Magis tous moisis, tout droit sortis des caveaux dans lesquels on les avait relégués depuis des centaines d'années (ou était-ce des dizaines?). Quel sombre dessein les pousse à venir fourrer leur nez dans les affaires des Magis actuels, c'est ce que vous apprendrez dans la seconde moitié du roman. 

Car devinez quoi? Eux aussi veulent la peau d'Yzé! Cela devient une obsession… Mais cette fois-ci, Yzé et ses amis ont du souci à se faire, car ces Magis-ci sont plus coriaces que les premiers! 

Si j'ai dû m'accrocher en début de roman pour ne pas vider les étriers et rester dans la course avec Yzé, la deuxième partie du roman m'a totalement happée! Et ça, j'achète, évidemment!

Quid du titre?

Il est une question qui m'a taraudée pendant la presque totalité de mon temps de lecture. Quand apparaîtra donc le fameux palimpseste dont il est question dans le titre? 

Entre parenthèses, pour ceux qui ne sont pas habitué au vocabulaire codicologique, un palimpseste est un manuscrit dont on a gratté ou effacé l'écriture pour réécrire par-dessus

Hé bien, il apparaît, rassurez-vous! Il vous faudra attendre les derniers chapitres, mais il est bien présent, et il a son importance, même si elle est tardive. Mais je dois avouer que cela m'a décontenancée. Pourquoi intituler un roman "Yzé et le palimpseste" si ledit palimpseste n'apparaît qu'à la toute fin? L'auteur serait-il donc maître dans l'art des teasers à très longue durée? Certes, le titre ainsi formulé ne manque pas d'originalité, et il attire indubitablement l'attention du lecteur. Mais si c'est pour faire languir ce dernier dans l'attente d'une explication qui tarde à venir, où est l'intérêt?

Je vous avoue qu'en tant que lectrice, cela m'a déroutée, au point que j'en suis venue à me demander s'il ne manquait pas quelque chose dans l'ebook que l'on m'avait envoyé. La seconde moitié du roman, par exemple… D'autant plus que le roman s'arrête un peu abruptement. Certes, l'intrigue principale est résolue, ou presque, mais je m'attendais honnêtement à ce que cela continue. Cette impression était renforcée par le fait que ni la couverture ni la page de titre ne fait mention d'un second tome. À l'entame de ma lecture, j'étais donc totalement convaincue d'avoir affaire à un one shot dont la chute me dévoilerait les zones d'ombres de l'intrigue. Que neni! Ce sera "suite au prochain numéro"!

En résumé…

J'ergote sur des détails, dans cette chronique, mais ceci dit j'ai sincèrement apprécié cette lecture, malgré la profusion de personnages et de clans qui ont rendu mon introduction dans l'univers d'Yzé un peu compliquée. L'histoire proposée est relativement simple, mais elle est émaillée d'une foule d'éléments très intéressants, comme la magie des Wicce et des Magis, le zèle des Frères de la Lumière, la ténébreuse sorcellerie des Tugenstein, les Rêveurs… 

Le personnage d'Yzé est certes parfois énervant de tant de perfection, mais elle n'en reste pas moins une jeune fille attachante qui a su gagner mon coeur de lectrice. Ses amis, à mon sens, sont encore mieux, parce qu'ils sont imparfaits au départ, mais ils luttent pour surmonter leurs difficultés et leurs peurs. 

Quant à la chute, elle est sympa et plutôt bien pensée. J'attends donc impatiemment la suite!

Ma note : 15/20

À très bientôt pour de nouvelles aventures livresques!

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Acherontia.

[Chronique] Cthulhu : le mythe III, de H. P. Lovecraft

J'ai beaucoup apprécié ce recueil, même si toutes les nouvelles ne se valaient pas. Mes préférées restent quand même les nouvelles les plus longues qui constituent les deux derniers tiers du roman.
Bien sûr, dans chaque nouvelle, sans exception, on retrouve le style inimitable de Lovecraft, ses phrases alambiquées, son vocabulaire si particulier, son talent pour le suspens, le dévoilement progressif de l'intrigue.
Les thèmes, aussi, m'ont enchantée. On y retrouve la mythologie si particulière à l'auteur, celle-là même qui a fait sa renommée.

Acherontia

Synopsis…

Howard Phillips Lovecraft est sans nul doute l’auteur fantastique le plus influent du xxe siècle. Son imaginaire unique et terrifiant n’a cessé d’inspirer des générations d’écrivains, de cinéastes, d’artistes ou de créateurs d’univers de jeux, de Neil Gaiman à Michel Houellebecq en passant par Metallica.

Le mythe de Cthulhu est au cœur de cette œuvre : un panthéon de dieux et d’êtres monstrueux venus du cosmos et de la nuit des temps ressurgissent pour reprendre possession de notre monde. Ceux qui en sont témoins sont voués à la folie et à la destruction.

Onze récits du mythe sont ici réunis dans une toute nouvelle traduction.

Si vous l’osez, pénétrez dans la caverne d’un monstre légendaire dont l’existence même devrait être impossible, aventurez-vous à Red Hook au risque d’y croiser l’horreur absolue, ou encore entrez dans la maison maudite abritant une créature ancestrale cauchemardesque, qui pourrait bien décider de vous y retenir… à jamais.

 

[Chronique] Cthulhu : le mythe III, de H. P. Lovecraft

La loi d'attraction universelle…

Ce roman est mon troisième roman lu dans le cadre de mon partenariat avec les éditions Bragelonne/Milady pour septembre 2016. Je remercie donc très chaleureusement les éditions Bragelonne pour ce partenariat et la découverte de ce livre.

Généralités…

Le présent recueil se compose de onze nouvelles et novellas (format se situant entre la nouvelle et le roman court). L'ordre des nouvelles semble établi en fonction de leur taille, en allant de la plus courte à la plus longue

Chaque nouvelle est illustrée d'un frontispice réalisé par Loïc Muzy, et le centre du recueil est doté d'un cahier d'illustrations réalisées par le même artiste, très talentueux, vous en conviendrez. 

Le livre…

Le livre est une nouvelle très courte, mettant un scène un homme qui achète par hasard un mystérieux livre ancien. La lecture de ce livre l'amènera aux confins du réel, là où la folie se mêle aux cauchemars. 

Sans pour autant être une mauvaise nouvelle, je l'ai trouvée bien trop courte que pour développer un tel sujet. Du coup, la chute est trop floue, elle laisse trop de place à l'interprétation.

 

Je revois le vieil homme ricaner d'un air mauvais, puis faire un signe curieux de la main lorsque j'emportai l'ouvrage. Il avait refusé tout paiement, et ce n'est que bien plus tard que je compris pourquoi. Alors que je me hâtais de rentrer par les ruelles tortueuses et embrumées longeant la rive, j'eus l'effrayante impression d'être suivi par des bruits de pas qui se voulaient furtifs. Des deux côtés de la chaussée, les antiques bâtisses branlantes paraissaient désormais animées par une méchanceté malsaine, comme si le sol venait brusquement de s'ouvrir pour laisser échapper quelque courant aux desseins maléfiques. Les murs et les pignons encorbellés en brique moisie, en plâtre et bois vermoulu, avec leurs carreaux en losange qui me dévisageaient tels des yeux menaçants, semblaient avoir une irrésistible envie de s'avançer pour me broyer… Et pourtant, je n'avais déchiffré qu'une minuscule partie de la formule blasphématoire avant de refermer le livre et de l'emporter.

Cthulhu : le mythe III, de H. P. Lovecraft

Le monstre dans la caverne…

Le monstre dans la caverne raconte l'histoire d'un touriste qui se perd dans une caverne au sujet de laquelle on raconte de nombreuses légendes. Ces légendes tournent pour la plupart autour de visiteurs qui se seraient perdus et auraient fini leurs jours de bien triste façon, dans la faim et la solitude. 

Pour moi, il s'agit à nouveau d'une nouvelle en demi-teinte. Elle n'est pas vraiment mauvaise, mais je m'attendais à la chute finale, ce qui est toujours assez décevant. Peut-être qu'à son époque, Lovecraft a su surprendre avec ce récit, mais au 21e siècle, le lecteur s'attend à un peu plus d'ingéniosité. 

 

Était-ce déjà la délivrance? Mes atroces appréhensions avaient-elles été sans objet? Le guide était-il parti à ma recherche dans ce labyrinthe de calcaire après avoir remarqué mon absence anormale? Alors que ces questions me trottaient dans la tête, j'étais sur le point de me remettre à crier afin de précipiter mon sauvetage lorsque, soudain, la jubilation fit place à l'horreur ; mon ouïe, fine de nature et rendue plus sensible par le silence absolu qui régnait dans cette caverne, apprit à mon cerveau embrumé – et pour ma plus grande terreur – que ces pas n'avaient rien d'humain.

Cthulhu : le mythe III, de H. P. Lovecraft

L'étranger…

Il m'est vraiment très difficile de résumer cette nouvelle sans vous spoiler l'intrigue. Je me contenterai donc de vous dire qu'elle est écrite à la première personne. Elle est racontée par le personnage central, un jeune homme qui vit reclus dans un endroit sombre et inconnu. Il semble ne rien connaître de son passé, et est désireux de voir ce qu'il y a à l'extérieur de l'endroit où il vit, par-delà les arbres et la tour sombre. Peut-être son aventure sera-t-elle révélatrice quant à son identité et son passé…

J'ai adoré la chute de cette nouvelle! Je ne m'y attendais pas vraiment, et l'auteur est parvenu à me surprendre. Malheureusement, une fois que l'on a capté le passé du jeune homme, la fin est un peu trop floue quant à son devenir.

 

Je ne hurlai pas, mais toutes les horreurs qui chevauchent le vent nocturne s'en chargèrent pour moi à la seconde où, d'un seul coup, s'abattirent sur mon esprit, en une fulgurante avalanche, des souvenirs à vous anéantir l'âme. Je me rappelai instantanément tout ce qui avait été ; je me souvins de ce qui avait précédé l'effroyable château et les arbres, et reconnus, malgré les changements, l'édifice dans lequel je me trouvais ; pire que tout, à l'instant où je rompis le contact entre nos doigts souillés, je reconnus la diabolique abomination qui se tenait face à moi avec son regard mauvais.

Cthulhu : le mythe III, de H. P. Lovecraft

L'indicible…

Deux amis de longue date discutent de nuit, assis sur une tombe bien mystérieuse. De sombres légendes circulent à propos de cette tombe et de la maison qui lui fait face. Un des deux amis, très cartésien, n'y croit pas du tout. L'autre, plus fantaisiste, y croit dur comme fer et tente de convaincre le premier.

Une très bonne nouvelle, encore que trop courte, j'aurais aimé en savoir plus! J'ai aimé ce parfum de folie et de sombre magie qui se dégage du récit. Le dialogue entre les deux amis, tellement différents l'un de l'autre, est très intéressant et constitue un excellent fil rouge à l'histoire.

 

 

Quelle affaire horrible! Pas étonnant que les étudiants sensibles frissonnent encore en pensant au Massachusetts de l'époque puritaine. On en sait si peu sur ce qui se cachait derrière les apparences… si peu, et pourtant, quelle effroyable putréfaction l'on sent macérer dans ces terribles aperçus qui remontent parfois à la surface, telles des bulles de gaz s'échappant d'un noyé en décomposition! La terreur de la chasse aux sorcières fut comme un horrible faisceau de lumière braqué sur les monstruosités qui mijotent dans le cerveau torturé des hommes… mais même cet épisode n'est qu'une anecdote insignifiante. Il n'y avait ni beauté, ni liberté ; les vestiges de l'architecture et des objets quotidiens en témoignent, de même que les sermons venimeux des prêtres à l'esprit étroit. Et sous cette camisole de fer rouillé, tout n'était que hideur bredouillante, perversion et diabolisme. Cette période fut vraiment l'apothéose de l'Innommable.

Cthulhu : le mythe III, de H. P. Lovecraft

La tombe…

Un jeune homme très intelligent et au caractère rêveur passe le plus clair de son temps à flâner dans la campagne, quand un jour, il découvre un étrange mausolée oublié de tous. Il s'agit d'un caveau très ancien dont la porte est fermement cadenassée. Petit à petit, ce caveau va s'insinuer dans ses pensées, l'obsédant et le poussant à trouver une solution pour y pénétrer.

À nouveau, nous voici en présence d'une chouette nouvelle , entre folie, possession et prédestination. Malheureusement, ici aussi la chute était assez prévisible. J'ai assez vite capté de quoi il retournait. La faute, sans doute, à notre époque et au fait que ce type d'histoire nous est connu depuis longtemps. Peut-être qu'à l'époque de Lovecraft, ce thème était plus inédit, et que donc il parvenait à surprendre ses contemporains. Mais le charme de l'écriture de l'auteur rattrape tout, ne vous en faites pas!

 

C'est dans la douce lumière de la fin d'après-midi que j'entrai pour la première fois dans le tombeau du coteau oublié. J'étais comme ensorcelé, et mon coeur battait à tout rompre sous l'effet d'une exultation que je ne saurais décrire de la manière qui conviendrait. Je refermai la porte derrière moi et, à la seule lumière de ma chandelle, descendis les marches dégoulinantes. J'avais l'impression de connaître le chemin et, malgré le grésillement de la bougie qui s'étouffait dans l'atmosphère viciée des lieux, je me sentais étrangement à l'aise parmi ces odeurs de caveau et de moisissure.

Cthulhu : le mythe III, de H. P. Lovecraft

Le modèle de Pickman…

Un artiste écrit une lettre à un confrère au sujet d'un autre ami artiste qui, à une époque, peignait dans le même atelier qu'eux. Le narrateur se dit fasciné par le travail de Pickman, l'artiste en question, et ceci bien que tout le monde lui ait tourné le dos en raison du caractère morbide de ses toiles. Il raconte à son collègue la visite qu'il fit de l'atelier de Pickman et ce qu'il y apprit.

Il s'agit sans aucun doute de la nouvelle qui permet véritablement au lecteur de pénétrer dans l'univers de Lovecraft. Un peu plus longue que les précédentes, elle montre tout le talent de l'auteur à dépeindre les pires horreurs qui existent sur (ou sous) terre. La description des peintures et l'évocation des techniques picturales est bluffante, si bien qu'on s'imagine à merveille l'horrible rendu de l'art de Pickman. La chute est sympa, elle aussi. Une belle chute propre à glacer le sang…

C'était un blasphème colossal et indescriptible aux yeux rouges et furieux, qui tenait ce qui restait d'un homme entre ses serres décharnées. Il rongeait la tête de sa victime comme un enfant mordille un sucre d'orge. Il paraissait tapi, si bien qu'en le regardant on avait l'impression qu'il pourrait à tout moment lâcher sa proie pour se mettre en quête d'un morceau plus juteux. Mais par tous les diables! ce n'est même pas le sujet, si détestable, qui me plongea dans une panique immortelle ; non, ce n'est pas ça, ni même la face de chien avec ses oreilles pointues, ses yeux injectés, son nez aplati et ses lèvres baveuses. Ce ne sont pas non plus les griffes squameuses, ni le corps couvert d'une croûte de moisissure, ni les pieds à moitié fourchus…

Cthulhu : le mythe III, de H. P. Lovecraft

Les rats dans les murs…

Un jeune homme célibataire s'installe dans une maison ayant appartenu à ses ancêtres. Très vite, des phénomènes étranges surviennent. Lui et son chat entendent des grattements dans les murs, comme s'il s'agissait de rats pris au piège entre la maçonnerie et les tapis.

Comme dans de nombreux récits de Lovecraft, on sent que le personnage principal sombre peu à peu dans la folie tandis que les événements étranges vont en s'amplifiant et qu'il découvre certaines révélations au sujet de ses ancêtres. On retrouve un des thèmes chers à l'auteur, celui de l'hérédité et de la prédestination. J'ai apprécié cette nouvelle pour son côté progressif (les indices menant à la finale sont révélés au compte-goutte) et pour sa chute surprenante et morbide. 

 

Je me couchai tôt, car j'étais très fatigué ; mais je fus tourmenté par des rêves de la pire espèce : il me semblait que je contemplais depuis une immense hauteur une grotte crépusculaire au sol couvert d'une couche de déchets qui arrivait aux genoux d'un porcher démoniaque à barbe blanche menant avec son bâton un troupeau de bêtes flasques et fongueuses dont l'apparence m'inspirait une indescriptible répulsion. Tout à coup, alors que le porcher venait de s'arrêter et commençait à piquer du nez, une formidable nuée de rats s'abattit sur l'abîme malodorant et dévora aussi bien les bêtes que leur gardien.

Cthulhu : le mythe III, de H. P. Lovecraft

L'horreur de Red Hook…

Thomas Malone, détective à Red Hook, évoque un incident qu'il y a vécu et qui lui aurait suscité la phobie des grands buildings. Il décrit en détail comment était Red Hook à cette époque, avec ses gangs, ses crimes et ses arrivées massives d'étrangers, ces dernières l'ayant mené sur la piste d'une sorte de secte. Il nous raconte alors le cas de Robert Suydam, un étrange reclus qu'il relie aux faits étranges ayant eu lieu à Red Hook. 

Cette nouvelle n'est sûrement pas la meilleure de Lovecraft, encore qu'elle ne soit pas dénuée d'intérêt. J'ai aimé la façon dont la magie noire et la démonologie était traitées, et le fait qu'à nouveau, l'intrigue ne se dévoile que progressivement. Mais j'ai trouvé certains aspects de l'histoire de Suydam un peu brouillons, et le fait que Lovecraft affiche ouvertement sa xénophobie me dérange franchement. 

Des avenues plongées dans une nuit infinie semblaient rayonner dans toutes les directions, si bien que l'on pouvait se demander s'il ne s'agissait pas des racines d'une contagion destinée à corrompre et dévorer des villes, à étouffer les nations dans la fétidité de cette peste hybride. C'est là que le mal cosmique avait pénétré ; là qu'il s'était envenimé sous l'effet de rites impies ; et c'est là qu'avait commencé sa marche macabre et grimaçante qui devait, à force de pourrissement, faire de nous tous des monstruosités fongueuses, trop hideuses pour mériter une sépulture. C'est en ce lieu que Satan tenait sa cour babylonienne, et que l'on lavait dans le sang de l'enfance innocente les membres lépreux de la phosphorescente Lilith.

Cthulhu : le mythe III, de H. P. Lovecraft

La maison maudite…

Pendant plusieurs années, le personnage central et son oncle s'intéressent à une vieille maison de leur ville. L'oncle a récolté beaucoup d’informations sur les problèmes de santé et les morts mystérieuses des habitants de cette maison. Les deux compères sont aussi intrigués par la végétation insolite du jardin, les champignons phosphorescents qui poussent dans la cave ainsi que par la mauvaise odeur qui émane du lieu.

La maison maudite est une nouvelle plaisante qui revisite de fond en comble une certaine figure emblématique de la littérature fantastique (je ne vous dirai pas laquelle, cela gâcherais votre surprise). La finale est peut-être un peu trop "artillerie lourde" pour moi, mais ceci étant, j'ai vraiment apprécié tout ce qui a mené à cette chute.

 

Finalement, sur le conseil de mon oncle, je décidai de tenter ma chance de nuit ; aussi, un soir de tempête, à minuit, je promenai le faisceau de ma torche électrique sur le sol moisi, les silhouettes mystérieuses et les champignons biscornus et à demi phosphorescents. Les lieux m'avaient curieusement découragé, ce soir-là, et j'allais partir quand je vis – ou crus voir -, parmi les dépôts blanchâtres, une version particulièrement nette du "corps recroquevillé" entraperçu dans mon enfance. Sa netteté était étonnante, sans précédent… et alors même que je la contemplais, j'eus l'impression de revoir la légère exhalaison jaunâtre et chatoyante qui m'avait tant surpris, par un après-midi pluvieux, des années auparavant.

Cthulhu : le mythe III, de H. P. Lovecraft

Herbert West, réanimateur…

La nouvelle raconte comment notre personnage narrateur, un étudiant en médecine, se lie d'amitié avec Herbert West, un de ses codisciples. West mène des études très sérieuses sur la réanimation des corps en état de mort clinique, grâce à l'injection de mixtures de son cru. Études qui, évidemment, sont très mal accueillies par le corps enseignant et qui, par la suite, tourneront mal pour les deux compères.

Par bien des aspects, Herbert West est une nouvelle très avant-gardiste, et donc particulièrement marquante, en plus de l'écriture très agréable de Lovecraft.

De un, elle est d'abord publiée sous forme de feuilleton avant d'être réunie en une seule nouvelle (ce qui explique le côté un peu répétitif de chaque début de chapitre). De deux, il est bon de souligner que Lovecraft est particulièrement en avance sur son temps en ce qui concerne la description des zombies. Ceux-ci rappellent les créatures de Roméro, qui n'apparaissent que quelques décennies plus tard.

Malgré le caractère répétitif de certains passages, j'aime vraiment bien cette nouvelle, pour la raison précitée d'une part, mais aussi pour le côté particulièrement macabre de certaines scènes et description. 

Ainsi, la nuit du 18 juillet 1910, Herbert West et moi contemplions, dans le laboratoire de la cave, une silhouette blême et silencieuse à la lumière éblouissante du projecteur fixé au plafond. Le procédé d'embaumement s'était révélé prodigieusement efficace, car, alors que je fixais un regard fasciné sur le corps robuste qui était resté allongé là deux semaines sans être gagné par la rigidité cadavérique, je ne pus m'empêcher de demander à West si le sujet était bien mort. Il me l'assura sans hésiter, en me rappelant qu'il n'injectait jamais la solution de réanimation sans avoir effectué au préalable un test soigneux de l'état du spécimen, la moindre trace de vie résiduelle empêchant la formule de fonctionner.

Cthulhu : le mythe III, de H. P. Lovecraft

L'affaire Charles Dexter Ward…

Providence, 1928. Charles Dexter Ward, un homme de vingt-six ans interné en maison de santé vient de disparaître sans laisser de trace. Le narrateur, Marinus Willet, médecin de la famille Ward depuis des années, se remémore la progressive transformation de ce jeune homme enthousiaste féru d'archéologie et de généalogie, qui devint dément. Huit ans plus tôt, Charles avait découvert qu'il avait parmi ses ancêtres un certain Joseph Curwen. De nombreuses croyances circulent au sujet de ce-dernier. Il serait un sorcier ayant fui Salem pour Providence, et il aurait perpétré des rites impies dans un hangar jouxtant sa maison. Au cours de ses recherches sur Curwen et de ses tentatives de décryptage de ses notes personnelles, Ward avait acquis des connaissances dangereuses pour le commun des mortels.

Il s'agit ici du texte le plus long du recueil, s'agissant presque d'un petit roman (je pense d'ailleurs qu'il a déjà été publié en tant que tel). Et il s'agit aussi d'un des meilleurs textes dudit recueil. 

Pour ma part, j'apprécie particulièrement le sombre climat de sorcellerie et de pure magie noire qui se dégage du récit. Plus on avance dans l'histoire, et plus l'ambiance devient ténébreuse, oppressante, nauséabonde. Et bien sûr, j'en redemande!

Le fait que l'histoire soit racontée du point de vue du médecin de famille et non pas de celui de Ward lui-même est appréciable. L'histoire se présente alors comme un grand puzzle constitué des informations et des constatations de Willet. Au commencement, tout semble confus et lacunaire. Mais plus le médecin investigue, plus les pièces se mettent en place et plus le lecteur comprend ce qu'il se passe. Le suspens est donc à son comble tout au long de la narration. C'est d'autant plus appréciable que le personnage même de Willet est attachant et très dévoué à la famille Ward. Rusé et avisé, il mettra tout en place pour "sauver" Ward et épargner à sa famille bien des peines. 

La chute est pleine de surprises et est parfaitement ébouriffante! Bref, c'est un texte que je vous conseille vivement.

Si certains le crurent fou à cette période, c'est à cause des bruits que l'on entendait à toute heure dans le laboratoire installé au grenier où il passait le plus clair de son temps : des psalmodies, répétitions et déclamations tonitruantes sur des rythmes insolites, et bien que tout cela fût prononcé de sa voix, cette dernière, ainsi que les accents des formules qu'il récitait, avait un caractère particulier qui glaçait le sang de tous les auditeurs. On remarqua que Nig, le vénérable chat noir adoré de toute la maisonnée, se hérissait et faisait le gros dos en entendant certains de ces sons.

Cthulhu : le mythe III, de H. P. Lovecraft

En résumé…

J'ai beaucoup apprécié ce recueil, même si toutes les nouvelles ne se valaient pas (oui, je suis consciente que cette assertion constitue une hérésie, pour la fan de lovecraft que je suis). Mes préférées restent quand même les nouvelles les plus longues qui constituent les deux derniers tiers du roman.

Bien sûr, dans chaque nouvelle, sans exception, on retrouve le style inimitable de Lovecraft, ses phrases alambiquées, son vocabulaire si particulier, son talent pour le suspens, le dévoilement progressif de l'intrigue.

Les thèmes, aussi, m'ont enchantée. On y retrouve bien sûr la mythologie si particulière à l'auteur, celle-là même qui a fait sa renommée. Le seul petit hic, c'est que le recueil s'intitule Le mythe de Cthulhu. Or, je ne vois pas beaucoup de nouvelles s'y rattachant. En fait, ceux qui ont étudié l'oeuvre de H. P. Lovecraft ont divisé ses nouvelles en trois cycles, en fonction de leur sujet et de l'époque où elles ont été écrites. On distingue donc les nouvelles dites "macabres", le cycle des rêves, et le cycle de Cthulhu. De ce dernier cycle, seule L'affaire Charles Dexter Ward s'y rattache. Les autres nouvelles relèvent toutes du cycle "macabre". Bien sûr, cela ne gênera nullement le lecteur qui ne s'intéresse que superficiellement à l'oeuvre de Lovecraft. Mais en tant que fan inconditionnelle , je ne peux pas m'empêcher de pointer ce fait.

Par ailleurs, le recueil est divinement illustré par le très talentueux Loïc Muzy. C'est avec émerveillement que j'ai contemplé les créatures qui peuplent les récits hallucinés de l'auteur. Dernier petit hic de cette chronique, les créatures ainsi dépeintes n'apparaissent pas dans les nouvelles publiées dans le présent recueil, elles appartiennent à d'autres nouvelles qui font sans doute partie des deux précédents tomes. J'ai trouvé ça un peu dommage, car j'aurais bien aimé avoir un visuel des bestioles dont il était question dans ma lecture… Il est toujours un peu perturbant de lire une nouvelle puis de chercher l'illustration correspondante… en vain.

Ma note : 18/20

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D'autres articles où j'évoque Lovecraft et sa mythologie…

[Chronique] Pays rouge, de Joe Abercrombie

Joe Abercrombie m'a une fois de plus bluffée avec ses personnages à la psychologie complexe et son histoire tellement humaine qu'elle en devient presque réelle malgré le fait que ce soit un univers de fantasy.

Acherontia

Synopsis…

Farouche Sud aurait aimé oublier son passé une fois pour toutes.
Mais lorsque son frère et sa sœur sont enlevés et sa ferme réduite en cendres par une bande de hors-la-loi, il est temps pour elle de reprendre ses anciennes habitudes. En compagnie du vieux Nordique qui l’a adoptée, un homme lui aussi marqué par ses démons, Farouche entame un long voyage à travers les plaines désertiques. Un voyage qui les emmène jusqu’aux bas-fonds d’une ville cauchemardesque, frappée par la ruée vers l’or, puis dans les montages inexplorées, qu’on dit hantées. Sur leur chemin, règlements de compte, alliances douteuses et trahisons amères se succèdent à la vitesse d’une flèche de barbare.
Car même lorsqu’on croit avoir tout perdu, au Pays Lointain le passé ne reste jamais enterré…

[Chronique] Pays rouge, de Joe Abercrombie

La loi d'attraction universelle…

Ce roman est mon second roman lu dans le cadre de mon partenariat avec les éditions Bragelonne/Milady pour septembre 2016. Je remercie donc très chaleureusement les éditions Bragelonne pour ce partenariat et la découverte de ce livre.

Si j'ai choisi ce roman en particulier, c'est parce que j'ai déjà eu l'occasion de lire un roman de l'auteur qui m'avait beaucoup plu. Il s'agissait de Servir froid. Je suppose que certains d'entre vous connaissent ^^

Ce qui m'a fait plaisir, dans ce nouveau roman d'Abercrombie, c'est que j'ai pu retrouver certains personnages de Servir froid, notamment Cosca et Temple. Placide aussi est évoqué dans Servir froid. Comme quoi, c'est bien la preuve que l'auteur nous livre un univers complet, complexe, avec de la suite dans les idées!

Un terrible coup du sort…

Le temps des toutes premières pages, tout paraît paisible, presque joyeux malgré la pauvreté qui se fait sentir en filigrane de l'écriture. Mais très vite, tout bascule pour les deux héros, Farouche et Placide. Le lecteur n'a même pas le temps de s'attacher à eux, d'apprendre à les connaître, que crac!, il leur arrive malheur.

Meurtres sauvages, enlèvements révoltants, saccages à tout va… Le menu arrive très rapidement sur la table et s'annonce copieux en plats corsés! Le lecteur est directement placé au coeur de l'action, ce qui n'est pas pour me déplaire. On se retrouve happé par la recherche désespérée des enfants, enlevés par des mercenaires sanguinaires, assoiffés d'argent et de violence. On compatit de tout coeur à la douleur des héros, et on s'émerveille devant leur courage à faire face à l'adversité.

Petit plus : j'ai trouvé remarquable la façon dont est traitée la douleur des personnages face au saccage de leur maison et la perte de leurs proches. L'auteur se montre souvent très juste dans la description des sentiments et des actions qui en découlent. Sans faire des phrases à rallonges, il dépeint avec des mots adroitement choisis ce que ressentent Farouche, Placide, et toutes les autres victimes des mercenaires. Pour cela, chapeau bas, l'ami!

Elle atteignit la cour – ce qui avait été leur cour – et s'immobilisa, perdue. La maison n'était que poutres brûlées et détritus. Seule la souche de cheminée tenait encore debout. Pas de fumée. La pluie avait dû éteindre les feux un jour ou deux auparavant. Mais tout était calciné. Le souffle court, elle contourna les ruines noircies de la grange.
On avait pendu Gully à l'arbre du fond. Au-dessus de la tombe de sa mère, dont la stèle avait été renversée. Il était transpercé de flèches. Au moins une dizaine.
Farouche avait l'impression d'avoir reçu un coup de pied dans le ventre. Penchée en avant, les bras serrés contre sa poitrine, elle gémit. L'arbre gémit de concert, agité par le vent, et le cadavre de Gully se mit à tanguer doucement. Le pauvre vieux fou. Tandis qu'ils s'éloignaient en charrette, il avait assuré à Farouche qu'il veillerait sur les enfants. Elle avait ri avant de rétorquer que les enfants veilleraient plutôt sur lui. À présent, aveuglée par les larmes et le vent cinglant, blottie dans ses propres bras, elle se sentait si froide que rien ne semblait pouvoir jamais la réchauffer.

Pays rouge, de Joe Abercrombie

Une héroïne en béton…

Tous les personnages de ce roman sont intéressants à leur manière, mais il en est un qui a retenu toute mon attention. Il s'agit de Farouche, bien sûr, le personnage central de l'histoire. Une jeune femme dont le caractère bien trempé cache une sensibilité, presque une fragilité qui lui vient sans doute de son passé tumultueux qu'elle essaie d'oublier. 

Si elle peut paraître dure, elle est aussi droite et travailleuse, drôle et tendre à ses heures. On se rend compte que c'est la vie qu'elle mène ou qu'elle a mené qui a façonné son apparente dureté, mais qu'au-delà des faux-semblants, c'est une fille qui gagne à être connue et appréciée.

Son prénom, Farouche, m'avait d'emblée déroutée, mais finalement j'ai trouvé qu'il lui allait comme un gant. Car elle n'est pas farouche par son caractère, très franc et bien affirmé au demeurant, mais plutôt par sa propension à dissimuler ce qu'il y a de meilleur en elle. Elle ne jette pas des perles aux cochons, et c'est fort bien ainsi.

Les deux boeufs se débattaient dans des gerbes d'eau, et le deuxième joug se tordit malgré les cris et les coups de fouet de Brin. Il aurait tout autant pu fouetter l'eau, ce qu'il faisait parfois. Farouche tirait de toutes ses forces. En vain.
– Merde! s'exclama-t-elle en sentant la longe glisser de sa main droite.
La corde lui cisailla l'avant-bras. Elle parvint tout juste à en rattraper l'extrémité, sang et chanvre se mêlant à l'eau qui éclaboussait son visage et détrempait ses cheveux, sous les meuglements terrifiés des animaux et les gémissements non moins terrifiés de Majud.

Pays rouge, de Joe Abercrombie

Des personnages Kinder surprise…

À l'instar de Farouche, les autres personnages de Joe Abercrombie sont rarement ce qu'ils paraissent être de prime abord. Les apparences sont souvent trompeuses, et l'auteur ne cesse de nous le rappeler au travers de leur psychologie.

Certains personnages essaient d'oublier un passé violent en devenant des "hommes meilleurs". Placide fait partie de ceux-là. Comme il le dit, il ne s'est pas toujours appelé Placide… C'est donc ainsi que certains caractères ressurgissent, et qu'un personnage que l'on pensait mou se révèle être un véritable guerrier dans l'âme.

D'autres personnages, comme Cosca, sont de véritables pourritures mais essaient de faire croire le contraire à tout le monde. D'autres encore, comme Temple, sont des gens biens mais essaient de se faire passer pour de véritables pourritures. Chez Joe Abercrombie, rien n'est jamais simple ni gravé dans le marbre, tout est sujet à évolution, à surprises. Les personnages sont souvent torturés, complexes, pour notre plus grand plaisir.

Farouche se tourna vers Placide. Il la dévisageait, l'épée volée dans une main, le reste de corde dans l'autre. C'était comme s'il la voyait à peine. Comme s'il était à peine lui-même. Comment pouvait-il être l'homme qui avait chanté au chevet de Ro quand elle était fiévreuse? Mal, certes, mais il avait quand même chanté, le visage tordu par l'inquiétude. À présent, devant ses yeux noirs, elle fut saisie d'effroi, comme si elle contemplait le vide. Elle se sentait comme au bord d'un précipice, et il lui fallut tout son courage pour ne pas s'enfuir.

Pays rouge, de Joe Abercrombie

Moralité, quand tu nous tiens…

Ce qui me frappe, chez Joe Abercrombie, c'est cette mise en avant du fait que la limite entre bien et mal est parfois bien ténue. Certains font le mal en pensant faire bien, ou en ne pensant qu'à eux. D'autres commettent des atrocités pour une bonne cause. Comment distinguer le bon grain de l'ivraie, au final? Le bien et le mal ne sont-ils réellement qu'une question de point de vue?

Certains dialogues très intéressants parlent également du concept de conscience. Car c'est peut-être elle, au final, qui fera la différence pour devenir un "homme meilleur"…

J'ai aimé cette moralité qui se dégage de l'histoire. L'auteur nous démontre que, finalement, c'est la vie qui nous façonne et nous forge. Un passé violent vécu bien malgré nous peut créer des blessures telles que notre caractère initial se voit modifié. La nécessité de survivre ou de protéger les siens peut pousser n'importe qui aux pires extrémités. Tout le monde est logé à la même enseigne.

L'auteur nous livre au final des personnages très humains, très réalistes et complexes. Dans Pays rouge, c'est vraiment ce côté-là du récit qui m'a le plus marquée et touchée.

Un sentiment d'impuissance submergea Sufeen. Soudain assailli par la fatigue, il pouvait à peine lever les bras. Si seulement il avait été entouré d'hommes justes. Mais seul lui s'approchait de cette définition. Il était le meilleur homme de la compagnie. Il n'en tirait aucune fierté. Le meilleur ver dans un tas de fumier aurait été plus reluisant. lui seul avait un semblant de conscience. Temple aussi, peut-être, mais Temple passait chaque instant à convaincre lui-même et les autres du contraire. Sufeen l'observa : en retrait derrière Cosca, un peu voûté, comme s'il se cachait. Jouant impatiemment avec les boutons de sa chemise. Il aurait pu être tout ce qu'il voulait, mais s'efforçait de n'être rien. Toutefois, au milieu de cette folie destructrice, le gâchis du potentiel d'un homme semblait fort peu importer. Jubair aurait-il raison? Dieu était-il un tueur vindicatif, qui se délectait de l'anéantissement? À ce moment précis, il paraissait difficile de prétendre le contraire.

Pays rouge, de Joe Abercrombie

Des hommes bons… ou pas!

Bien sûr, comme dans tout roman de Joe Abercrombie qui se répète, l'on trouve une franche dose de violence, souvent de la pire espèce car elle est la plupart du temps gratuite. Que ce soit les massacres perpétrés par Nicomo Cosca et son armée, ou par celle des mercenaires qui enlèvent les enfants, tout cela pourrait être évité. Mais non, ça les amuse bien trop, de violer, décapiter, torturer, piller, démolir… ça les fait même rire!

De la fiction, ça, vraiment? Personnellement, cela me rappelle les images que je vois tous les jours au journal télévisé. À la sauce fantasy, certes, mais l'on en trouve malgré tout les échos dans notre petit monde bien réel. On dit que la réalité dépasse souvent la fiction. Je ne peux malheureusement que confirmer l'adage.

Le couteau qu'il avait donné à Danard était enfoncé dans les côtes de Sufeen jusqu'à la garde et la chemise de celui-ci noircissait à vue d'oeil. Un tout petit couteau, par rapport à d'autres. Mais suffisamment gros.
Le chien aboyait toujours. Sufeen tomba face contre terre. La femme à l'arbalète avait disparu. Était-elle partie chercher des projectiles, sortirait-elle de nulle part, prête à tirer? Temple aurait probablement dû se mettre à couvert.
Il ne bougea pas.
Le martèlement des sabots se fit plus fort. Le sang formait une flaque boueuse autour du crâne fendu de Sheel. Le gamin recula doucement, puis se mit à courir en boitillant, traînant sa jambe infirme derrière lui. Temple le regarde s'éloigner.

Pays rouge, de Joe Abercrombie

Trop de linéarité…

Je dois cependant émettre quelques petits bémols pour cette lecture, que j'ai trouvé un cran en-dessous de Servir froid.

Trop de linéarité, tout d'abord. J'ai trouvé l'histoire un peu trop plate par moments. Entre le moment où les héros partent à la recherche des enfants, et celui où ils arrivent à Fronce, le voyage traîne parfois en longueur. On sent bien qu'il y a une certaine maturation de la part des personnages, mais il ne se passe pas assez de choses, les rebondissements sont trop peu nombreux ou ne sont pas à la hauteur des attentes du lecteur.

Ensuite, le paysage dans lequel évoluent les personnages est trop peu décrit. On se doute qu'il s'agit d'un décor façon "far west", mais on ne sent pas assez la poussière, le soleil, la chaleur, la soif… Je suis restée sur la mienne, pour le coup.

En résumé…

Joe Abercrombie m'a une fois de plus bluffée avec ses personnages à la psychologie complexe et son histoire tellement humaine qu'elle en devient presque réelle malgré le fait que ce soit un univers de fantasy.

On retrouve dans ce roman de nombreux éléments chers à l'auteur : des paysages très "dark" où la pauvreté et la corruption morale sont loi, des personnages torturés, des dialogues qui tournent autour de la conscience et de la recherche de sens, une histoire où le bien et le mal s'entremêlent, et de la violence… beaucoup de violence.

Si on retrouve dans ce livre beaucoup de bonnes choses, je lui reproche tout de même une trop grande linéarité, quelques longueurs, des passages qui manquent parfois de rebondissements, un caractère même parfois un peu brouillon, et le fait que la psychologie passe souvent avant l'histoire elle-même. Je l'ai trouvé un peu en-dessous de Servir froid, le premier roman que j'aie lu d'Abercrombie.

Ma note : 15/20

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