[Chronique fantasy] Les sœurs Carmine. T2, Belle de gris, d’Ariel Holzl

Je me suis même surprise à éclater de rire à plusieurs reprises – le tout suivi d’une quinte de toux caverneuse, sinon ce n’est pas comique.

Synopsis

Trois semaines séparent Tristabelle Carmine du Grand Bal de la Reine. Trois semaines pour trouver la robe de ses rêves, un masque, une nouvelle paire d’escarpins… et aussi un moyen d’entrer au Palais. Car Tristabelle n’a pas été invitée. Mais ça, c’est un détail. Tout comme les voix dans sa tête ou cette minuscule série de meurtres qui semble lui coller aux talons.

En tout cas, elle ne compte pas rater la fête. Quitte à écumer les bas-fonds surnaturels de Grisaille, frayer avec des criminels, travailler dans une morgue ou rejoindre un culte. S’il le faut, elle ira même jusqu’à tuer demander de l’aide à sa petite sœur. Car Tristabelle Carmine est une jeune femme débrouillarde, saine et équilibrée. Ne laissez pas ses rivales ou ses admirateurs éconduits vous convaincre du contraire. Ils sont juste jaloux. Surtout les morts.

Mon avis

J’ai découvert cette série en 2018, au détour d’un salon du livre (un peu comme toujours, en somme…). J’ai lu le premier tome plus ou moins dans la foulée (la chronique est par ici, d’ailleurs), et je ne sais pas trop pourquoi je ne la recommence qu’à l’aube de 2021. Pratiquement trois ans d’écart entre les deux tomes, ça fait long… Il m’a fallu retourner dans le premier volet pour me rafraîchir la mémoire (ah, si je tenais convenablement ce carnet de lecture !). Je n’ai aucune raison particulière à avancer pour ce très long délai, parce que l’univers déployé par l’auteur m’avait pourtant beaucoup plu à l’époque. Peut-être avais-je peur de me retrouver seule en tête-à-tête avec l’insupportable Tristabelle ?

Car c’est effectivement bien d’elle qu’il s’agit dans ce second tome… Elle que l’on suit dans ses pérégrinations machiavéliques à la recherche d’un ticket d’entrée pour le grand bal de la Reine, elle que l’on voit désespérer de dénicher une robe digne de ce nom pour pouvoir mieux se mettre en valeur, elle que l’on voit galérer à démêler les fils de l’intrigue qui l’entourent peu à peu. J’avoue, elle est parfois très lourde, voire même car-ré-ment pénible. Mais croyez-en mon expérience de lectrice, dans ce tome-ci, ces côtés d’enfant trop gâtée sont tellement poussés à l’extrême qu’ils en deviennent comiques et, du coup, passent beaucoup mieux. Tristabelle pourrait presque passer pour charmante… Je ne sais pas comment a fait l’auteur pour nous la rendre sympathique. Je pense que ça doit surtout tenir à l’humour noir et à l’intrigue vachement bien ficelée. Certes, elle garde ses aspects agaçants, mais ils sont dilués par d’autres aspects que l’on apprend petit à petit à découvrir. Alors ainsi, on s’aperçoit que Miss Tristabelle n’est pas aussi superficielle qu’il n’y paraît, qu’elle ne fait pas que parler chiffons et manucure, mais qu’elle est aussi capable de tisser des plans complexes qui fonctionnent bel et bien. Et qu’elle est aussi capable de sentiments, même si son cœur semble de pierre. Lit-té-ra-lement ! Je lui ai trouvé un aspect très frais et divertissant qui m’a fait beaucoup de bien, terrassée que j’étais par la Covid-19, pleine de fièvre au fond de mon Chesterfield. Je me suis même surprise à éclater de rire à plusieurs reprises – le tout suivi d’une quinte de toux caverneuse, sinon ce n’est pas comique.

Je crois que ce que j’ai le plus aimé, chez elle, ce sont ses répliques, cet esprit de repartie qui lui permet de se montrer odieuse et insolente à souhait en toutes circonstances. Et puis, bien sûr, il y a cette touche de macabre, ce soupçon de folie funeste qui rend ce roman mortellement délicieux ! Grisaille, ville de tous les excès où se déroule notre intrigue, encadre merveilleusement bien le récit. Je reprochais au premier tome une mise en place un peu faible de l’univers (entendez par là que j’ai tellement aimé cet univers que j’aurais voulu en savoir plus à son sujet). Dans ce second volet, le « problème » ne se pose plus, car la ville et ses faubourgs sont décrits beaucoup plus en détails, pour le plus grand bonheur des lecteurs. Imaginez une ville digne de Jack l’Éventreur, où les morgues sont plus nombreuses que les restaurants, où les bourgeois s’empoisonnent les uns les autres en prenant le thé, où le sang des orphelins des rues sert à confectionner les cosmétiques des vampires… C’est un monde complètement « burtonien », très dans la veine des « Noces funèbres » et de l' »Étrange Noël de Monsieur Jack », une grosse pointe d’humour noir et grinçant en plus (et aussi une pincée d’indécence). Personnellement, je suis très sensible à cet esprit « halloweenesque », ainsi qu’à la plume mordante d’Ariel Holzl (qui, lui, n’est pas vampire. Enfin, aux dernière nouvelles, en tout cas…).

On croise de nouveau des personnages du premier tome, comme Merry, Thomas, Dolorine, Katryan… et aussi Lady Carmine, revenue de sa très longue absence ! Puis on en découvre d’autres, comme cet étrange inspecteur de police, Eldritch. Celui-là, je l’ai beaucoup aimé pour son aplomb naturel, son phlegme anglais, pourrait-on dire. Il y a aussi les « amies » de Tristabelle, terme ici mis entre guillemets puisque ces amies lui servent essentiellement d’ascenseur social. Je serais bien en peine de donner mon préféré parmi cette galerie de personnages inoubliables. Je pense que celle qui restera le plus longtemps dans ma mémoire, c’est finalement bien Tristabelle, qui n’a pas son pareil pour voler la vedette et rendre pâlichonne la plus brillante des stars de Grisaille.

À côté des dentelles de Tristabelle, du brouillard ambiant et des tripes à l’air des employés de la morgue, l’intrigue, elle, est en béton armé. Simple, bien ficelée, efficace, avec son lot de surprises lors du bouquet funèbre final. Comme on les aime, en bref. J’ai adoré ce merveilleux climax en fin de roman, lors du fameux grand bal de la Reine. L’auteur n’est pas chiche en révélations percutantes et en moments poignants, merci à lui !

7 réflexions au sujet de « [Chronique fantasy] Les sœurs Carmine. T2, Belle de gris, d’Ariel Holzl »

  1. Tristabelle, c’est mon modèle 🙂 Allez, avouons-le : on aimerait tous balancer des horreurs parfois comme elle, sans se soucier de rien. Rien que pour se sentir mieux après. Elle est une figure de liberté que j’aime beaucoup. Elle est honnête en son genre, malgré ses artifices. Sans filtre. Et ce coup d’immersion dans son esprit dérangé, les petites discussions avec le lecteur… c’est juste génial !

    Je te souhaite bon rétablissement, j’espère que tu vas aller mieux. Quelle saleté cette fichue COV******* ! 😦

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