Kane, l’intégrale. Tome 1 / Karl Edward Wagner

Kane, l'intégrale. Tome 1 / Karl Edward Wagner

Résumé de couverture :

Il s'appelle Kane.

Certains racontent qu'il est invincible, voire immortel : que la pierre de sang qu'il porte au doigt lui confère un pouvoir surhumain. Il en est même pour affirmer qu'il aurait Jhaniikest, la sorcière ailée, pour maîtresse.

Il s'appelle Kane et ne se reconnaît ni dieu ni maître.Seuls ses rêves de conquêtes et d'aventures le mènent de par le monde. Et aucun de ceux qui l'ont affronté en combat singulier n'est encore là pour s'en venter.

Il s'appelle Kane et voici son histoire.

Ma chronique :

Il s'appelle Kane et voici son histoire… Voilà qui me fait penser à une certaine série américaine, New York section criminelle je crois, où le générique termine par "voici leurs histoires…". Oui, sauf que l'histoire de Kane, on ne pourra jamais l'écrire en entier. Sans trop dévoiler l'intrigue, je peux déjà dire que ce que les gens racontent, selon le résumé de couverture ci-plus haut , n'est pas dépourvu de vérité. Kane a une longue, très longue histoire derrière lui, d'où son expérience apparemment sans limite. Voici donc ses histoires, ou mieux, voici quelques bribes de ses nombreuses aventures.

Ce que je peux dire de Kane, et qui ne se devine pas dans les premières 100 pages du roman, c'est qu'il s'agit tout simplement d'un antihéros. Un antihéros déceptif qui plus est. Le début du roman laisse entrevoir un Kane plein de qualités, d'expérience, de force, de soif d'aventure… sans compter son physique de barbare irlandais plus qu'avantageux (cent cinquante kilos de muscles, d'os et de chair humaine nous dit-on, vous rendez-vous compte?). Seulement voilà, au fur et à mesure que la première aventure se déroule, on se rend compte que Kane n'est pas toujours doué des meilleurs intentions. Son but principal est de s'amuser, parfois au détriment de la paix du monde et du bonheur de ses habitants. Je me suis parfois demandée à quel jeu il jouait, quel intérêt il servait, jusqu'à m'apercevoir que l'expression "ni dieu ni maître" lui va comme un gant. Il n'obéit en fait qu'à lui-même, surtout à son besoin de remplir le grand vide de son ennui. Mais quand je dit déceptif, ce n'est pas que j'ai été déçue par le roman ou par le personnage. C'est juste que les attentes du lecteur par rapport à sa vision d'un véritable héros, et par rapport aux qualités que nous laisse entrevoir Kane sont bousculées, voire balayées, au fur et à mesure que l'histoire avance et que le caractère de Kane ressort.

De l'histoire et du roman en eux-mêmes, sinon, je ne suis pas déçue du tout. L'écriture est plus qu'agréable à lire. Cela faisait longtemps, d'ailleurs, que je n'avais plus lu un livre pour lequel j'ai du ouvrir mon dictionnaire. Le style est assez fouillé, et on peut tomber sur quelques mots moins connus de notre belle langue française. Pour moi, ce fut le cas pour "coruscant" (et je ne parle pas de la planète dans Star Wars…) qui signifie brillant, étincelant. Dès le prologue on ne peut être que séduit par le style de l'auteur : "Sur des lieux sans nombre, la forêt érigeait sa suprématie. Des arbres géants tendaient leurs branches vers les cieux, luttant pour atteindre le soleil et l'air libre. Sous leurs frondaisons épaisses existait un autre monde que celui de la voûte céleste – le crépuscule du sol de la forêt. Là, la fraîcheur de la pénombre n'était rompue que par des rais de soleil sporadiques qui filtraient à travers les feuillages pour être absorbés dans l'épais tapis d'humus et d'aiguilles de pin qui nappait le sol. Aucun sous-bois ne se développait, sinon aux endroits où un géant arborescent s'était abattu en déchirant une brèche dans la canopée, à travers laquelle se déversait un soleil jaune. Alors, pendant un bref moment, un linceul de broussailles prospérait sur la richesse du terreau à côté du tronc en putréfaction, jusqu'à ce que les branches colmatent la trouée et asphyxient les rayons dispensateurs de vie." Là, je ne sais pas pour vous, mais moi j'ai déjà l'impression de me trouver dans la forêt…

L'auteur ne fait pas que dans le poétique cependant, en témoignent les rudes scènes de batailles pouvant s'avérer très gores : "Son assaillant se maintint en selle, non sans difficulté, lui aussi. Kane balança sa hache en une courbe meurtrière quand ils vinrent au contact. Le lourd bec-de-faucon du talon de l'arme creva la grille de la visière sur l'armet de l'autre. Kane hala le manche, manquant de perdre prise, tandis que les chevaux se croisaient avec fracas. Le bec-de-faucon se dégagea dans une giclée de cervelle." On voit aussi l'excellente connaissance de l'auteur du vocabulaire de la guerre et des armes. Outre les nombreuses scènes de batailles, on voit apparaître également des scènes de la vie en temps de guerre, dont certaines très cruelles, tellement tordues qu'elles vous soulèvent le coeur : "Chaque matin, on exposait la tête des personnes soupçonnées de déloyauté envers Ortède et, par voie de conséquence, envers Sataki. Les enfants du Chapelli ne tardaient pas à trouver de nouveaux jeux avec ces terribles trophées. "Celle-ci est presque inutilisable", lui [Kane] dit-il, et il lui indiqua du doigt la rangée de têtes plantées le long du rempart de la ville. "Tu ferais mieux de la remettre à sa place et de te trouver une autre balle." "Oh non, monsieur, répondit la petite fille en prenant la tête malmenée. Celle-ci, je veux la garder. C'est ma maman." Personnellement, j'ai trouvé cela affreux… (Encore une fois le résumé de couverture ne mentait pas, on pourrait presque se trouver dans New York section criminelle…).

Ce premier tome de l'intégral comporte deux histoires : Pierre-de-sang, et la Croisade des ténèbres.

Dans Pierre-de-sang, Kane trouve une bague qui lui donne accès à une science ancienne capable de lui conférer un pouvoir presque illimité. Presque… Dans La Croisade des ténèbres, un voleur, Ortède, est possédé par une créature ancienne, un sorte de démon, et cherche, au travers d'une guerre "sainte", à rallier un maximum de fidèles. La recherche du pouvoir absolu est effectivement omniprésente dans ces deux récits où rien n'est à jeter. Et dans chaque récit, il est des personnages auxquels on apprend à s'attacher (Térès dans le premier, très masculine et vulgaire, et qui devient peu à peu plus féminine et fragile, et puis Jarvo à l'amour déçu dans le second) et d'autres que l'on apprend à haïr (surtout Ortède dans le second, à qui l'on a envie de donner des baffes, et Esketra pour son attitude hautaine et volage).

En résumé, j'ai vraiment beaucoup apprécié ce premier tome, et j'ai hâte de pouvoir acheter les deux suivants! On se retrouvera donc vite pour les chroniques de la suite 🙂

Lu dans le cadre du challenge "Les lieux imaginaires 2013".

Pour acheter ce livre sur Moliere.be

Kane, l'intégrale. Tome 1 / Karl Edward Wagner