La quête déchirée d'un artisan oscillant entre le ciel et l'ombre…
Tout est dans le titre… Nivard, c'est un assemblage de sentiments extrêmes qui se bousculent dans un déferlement intérieur. Il oscille sans cesse entre l'amour et la haine, la tendresse et la violence, le calme apparent et l'agitation, la lumière et l'obscurité, le bien et le mal. Autant il peut se donner corps et âme à la femme qu'il aime, autant il peut haïr au point de tuer. Il peut caresser le verre, exécuter le travail le plus raffiné, et à la fois faire souffrir. On sent qu'au fond de lui se mélange des sentiments très forts, souvent contradictoires, des sentiments qui le déchirent de l'intérieur, et pourtant il conserve son attitude réservée, il vit tout au fond de lui-même, il garde tout pour lui.
Il est fort également, d'un caractère – presque – inébranlable, un caractère trempé dans l'acier et dans le feu, le genre de trempe qui fait d'un homme un véritable meneur. Il tient tête aux chevaliers les plus hauts placés lorsque le jugement de ceux-ci est altéré, il tient tête à la toute puissante église chrétienne en faisant sa propre justice, en refusant les règles établies qu'il juge inhumaines. Il défie Dieu de part ses actions, et pourtant il cherche à s'en rapprocher par le biais de la lumière…
La lumière est son chemin de vie, sa raison d'être. Ne s'est-il pas juré sur la tombe de sa mère de vouer sa vie à la lumière? "C'est dans cette église hostile, au pied de l'autel, que le garçon fit avec la morte le pacte qu'il n'accepterait plus l'hostie des mains des prêtres et qu'il ne partagerait plus leurs prières. Il atteindrait Dieu par un autre chemin, il défricherait sa propre voie vers la Lumière. Au soir du jour le plus éprouvant de sa jeune existence, Nivard traça à l'encre noire sur le revers de sa ceinture cette phrase amère qui allait diriger la marche de sa vie : Quaere Dei lumem post materiam, non gentes. Cherche la lumière de Dieu à travers la matière au mépris des humains."
La vie de Nivard est jalonnée de grands bonheurs et de désastres, d'amour inconditionnel lumineux comme le jour et de désespoir aussi profond et noir que les abysses de l'océan. On dit toujours qu'il ne peut y avoir de lumière sans une part d'ombre, que l'on ne peut pleinement profiter du bonheur si on ne connaît pas son opposé. C'est de la complémentarité de ces extrêmes que naît le génie de Nivard. Plus il connaît l'obscurité et le désespoir, plus il fait sombre au fond de lui, plus il est poussé vers la lumière. L'obscurité de son âme torturée, par contraste, fait ressortir son étincelle d'artiste et l'aide à apprivoiser par le verre l'immatérialité de la lumière. "Rosal de Sainte-Croix laisse entendre sa voix aussi tendre que ferme : – Il y a dans ton regard tout ce qu'un homme doit souffrir pour approcher la lumière de Dieu, c'est ce regard-là qu'il nous faut, pas celui d'un saint! – Je n'ai pas le droit de boucler vos églises de ma révolte et de mes interrogations. Je ne peux prétendre à cette tâche. je vous enjoins de comprendre et d'accepter mon choix. Je suis en disgrâce. Dieu est hors de ma portée. – Quoi que tu dises, Nivard, et quoi que tu penses de toi-même, tu es l'initié, le détenteur, coupe Rosal de Sainte-Croix. C'est toi seul qui possède l'héritage, toi seul qui détiens la note et personne d'autre ne peut oeuvrer à ta place."