[CHRONIQUES LITTÉRAIRES] Le septième templier, de Giacometti et Ravenne

Un petit dépoussiérage du thème des Templiers, et ça repart !

Cette semaine, j’ai participé pour la première fois depuis bien longtemps au challenge « Un mot, des titres », animé par Azilis sur le forum LivrAddict. Comme toujours, c’est un vrai bonheur pour l’addict aux livres que je suis de pouvoir farfouiller dans mes bibliothèques et celles de mon Amoureux à la recherche du titre qui fera l’affaire ! Rien que pour ce petit plaisir-là, le challenge vaut vraiment le détour ! Cette session-ci tournait autour du mot « sept » ou « septième ». C’était tout vu ! Seule lecture contenant ce mot dans son titre, c’était « Le septième templier » de Giacometti et Ravenne, un duo d’auteurs que mon fiancé affectionne particulièrement, et que je n’avais pas encore eu l’occasion de découvrir.

Eric Giacometti et Jacques Ravenne, Le septième templier

Je ne commence pas vraiment ma découverte de leur bibliographie par le meilleur endroit, ni le meilleur roman d’ailleurs… En fait, Giacometti et Ravenne ont créé un personnage qu’ils mettent en scène dans une longue série de romans intitulé Commissaire Antoine Marcas (treize pour l’instant, avec un hors-série). Et moi qui ne connaît Marcas que de nom, je choisis le tome 7 de la série, donc je la prends en plein milieu. Force est de constater que chaque tome se lit indépendamment des autres, puisque ça ne m’a pas empêché de suivre l’histoire. Seules quelques clins d’yeux aux romans précédents sont venus me rappeler que je ne fais décidément jamais les choses dans l’ordre. Ouf ! L’honneur est sauf ! Quant à savoir si j’ai commencé par le tome de la série qui me mettra le plus l’eau à la bouche pour lire les autres volumes, ça reste encore à voir.

Ce n’est pas que ce roman soit mauvais, loin s’en faut. Malgré une intrigue sommes toutes relativement convenue, je lui ai trouvé le mérite de dépoussiérer un peu le mythe des templiers. Rien de bien nouveau sous le soleil, on parle toujours en abondance de leur légendaire trésor, mais ici, le petit plus, ce que les auteurs nous parlent aussi beaucoup de leur histoire, et en particulier de la chute de leur ordre. Je vous avoue très honnêtement que je ne suis pas du tout une experte dans ce domaine de l’histoire, et donc je suis très mal placée pour dire si leur version se tient d’un point de vue historique ou non. Personnellement, j’ai bien aimé ces incursions dans l’histoire religieuse de la France médiévale (beaucoup de chapitres se passent au 14e siècle, tandis que d’autres ont lieu à notre époque). Mais ce qui m’a le plus plu, c’est que l’histoire de l’Ordre des Templiers est vue principalement avec un œil maçonnique, donc très symbolique. Je m’explique…

– Moi, je reste fasciné par les histoires de trésors fabuleux, enfouis et perdus à jamais.
Le comte intervient.
– Je vote pour celui des templiers. Un butin légendaire, un secret spirituel, une histoire tragique et des caches labyrinthiques connus des seuls chevaliers au blanc manteau. D’ailleurs, nous les frères sommes les héritiers légitimes des chevaliers de Jacques de Molay.
Antoine réprima un sourire. Il était effaré par le nombre de frères qui croyaient en cette vieille fable. (…)
– Mon frère, je ne veux pas gâcher la soirée. Mais le trésor des templiers, c’est une belle foutaise. Aucun historien sérieux ne croit à ces balivernes. Quant à la filiation avec la maçonnerie, elle est purement spéculative et bien tardive.

Éric Giacometti & Jacques Ravenne, « Le septième templier »

Ah, ces trois points…

Pour en revenir aux fondements de cette saga, je dois d’abord vous parler d’Antoine Marcas. Il est donc, comme dit plus haut, commissaire, mais là où ça devient intéressant, c’est qu’il est également franc-maçon. Effectivement, les intrigues écrites par Giacometti et Ravenne tournent autour de la franc-maçonnerie, Ravenne faisant lui-même partie de la Maison. Sujet sulfureux s’il en est, la franc-maçonnerie est ici le filtre au travers duquel chaque intrigue sera lue. Pour les lecteurs qui se questionnent à ce sujet, ou s’y intéressent, de près comme de loin, c’est donc un angle d’accroche intéressant qui permet de revisiter certains pans de notre histoire d’une façon plus ésotérique, spirituelle et/ou symbolique. Ceci étant, je sais gré à Giacometti et Ravenne de ne pas tomber dans les excès épiques à la façon de Dan Brown (le Da Vinci Code) ou de Benjamin Gates, pour ne citer qu’eux. On retrouve ce côté purement « aventure fantastique », bien sûr, mais dans le présent cas, on sent un background historique et maçonnique beaucoup plus solide qui sert parfaitement à l’intrigue. Ce sont deux auteurs qui savent de quoi ils parlent, qui cherchent à divertir leur lectorat, mais qui, je pense, se veulent surtout démystificateurs des grands secrets de l’Histoire et de la maçonnerie, qui est parfois encore tellement décriée. Eh oui, l’antimaçonnisme est encore bien vivace à notre époque, alimentée par une désinformation galopante, des théories du complot toutes plus abracadabrantesques les unes que les autres, ou des propos tenus par des religieux ou des dirigeants gênés par la présence des maçons.

Le terme « franc-maçonnerie » vous effraie ou vous donne des boutons ? Vous ne savez plus quoi penser entre ce qu’en disent les catholiques, les complotistes, les maçons eux-mêmes, ou d’autres encore ? Alors, je vous conseille de regarder cette petite vidéo qui démystifie un peu la chose, et qui est bien renseignée (pas de risque d’infox, donc…) : Terra Masonica.

Mais vous pouvez aussi commencer à lire la saga Marcas dès son premier tome, Le rituel de l’ombre, comme je compte le faire un jour. Ce que j’aime bien, avec cette série, c’est qu’il remette un peu l’église au milieu du village, ou plutôt devrais-je dire la maçonnerie au milieu de son contexte politique et social. Nous sommes ici loin des contrastes que l’on peut connaître, entre le propos dithyrambique et son contraire, le diabolisant, les auteurs se veulent plutôt réalistes et lucides, en nous montrant une franc-maçonnerie humaine, avec ses qualités et ses défauts, ses bienfaits et ses dérives, ses gens de bien comme ses connards finis (passez-moi l’expression).

— Nul ne connaît la Vérité qui ne traverse l’abîme de la terre, psalmodia une voix âgée.
— Nul ne connaît la Vérité qui n’éprouve la puissance du feu, répondit une autre du fond de l’église.
Sous la cagoule, Foulques suait à grosse goutte. Par-dessus tout, il craignait de trembler. Que son corps trahisse sa peur.
— Tends ta main droite.
Foulques s’exécuta. La voix du Grand Visiteur s’éleva.
— Qu’elle se dessèche et qu’elle tombe en poussière, si jamais tu es parjure.
Cette fois, le chevalier n’eut pas le temps de hurler. Une odeur de chair brûlée d’acide le saisit à la gorge.
— Nul ne connaît la Vérité qui ne ressente le pouvoir de l’eau vive.
Derrière lui, le gardien le soutint par les épaules.
— Tu es descendu au fond de toi. Et qu’as-tu trouvé ?
— La douleur, murmura Foulques.
— Oui, car tu vis dans les ténèbres.

Éric Giacometti & Jacques Ravenne, « Le septième templier »

La seule petite chose que je déplore dans l’aspect maçonnique de ce roman, c’est que les auteurs en disent trop par rapport à certaines cérémonies (notamment un passage à la maîtrise, et une partie de son rituel). J’ai trouvé ça très malaisant, que ce soit pour les profanes qui ne doivent pas y comprendre grand-chose, ou pour les maçons qui n’ont pas encore atteint la maîtrise et qui souhaiteraient ne pas connaître ce qui les attend. D’autant que cette foule de détails n’était pas nécessaire à la compréhension de l’intrigue.

Revenons-en à présent à l’intrigue en elle-même. Vous vous en doutez, chers lecteurs, qu’elle tourne majoritairement autour des secrets templiers, et en particulier de leur fameux trésor. Le roman met en parallèle plusieurs histoires : celle des Templiers de l’époque, d’une part, narrant leurs déboires (et c’est peu de le dire) avec l’Église catholique, leur chute, et comment ils sont parvenus à garder leur trésor intact au long des siècles ; celle d’Antoine Marcas, commissaire franc-maçon qui se trouve impliqué bien malgré lui dans la recherche de ce trésor perdu ; et celle du Pape qui lui aussi cherche ce fameux trésor pour renflouer les caisses du Vatican, vidées de façon dramatique suite à un scandale financier. Le lecteur passe d’intrigue en intrigue, entre tentatives d’assassinat, complots, énigmes capillotractées, mystères maçonniques et templiers, course contre la montre et découvertes étranges dans des souterrains parisiens… Tout ceci pour aboutir à la conclusion, qui personnellement m’a laissée sur ma faim. Je ne vais bien sûr pas vous spoiler, mais j’ai trouvé la chute du roman un peu trop légère à mon goût. Pas nécessairement trop facile, mais un peu décevante quand même.

Il ouvrit la porte de son bureau et se retrouva face à Schibboleth.
C’est ainsi qu’il avait surnommé sa bibliothèque, gorgée d’ouvrages, qui montait jusqu’au plafond. Schibboleth, un mot de passe bien connu des frères et qui, pour lui, signifiait de façon allégorique : le passage sur l’autre rive. Sa bibliothèque était un pont qui permettait de traverser le fleuve de l’ignorance et les livres en constituaient les pierres patiemment taillées. Le déménagement dans son appartement de la rue Charles-Nodier lui avait été fatal, Schibboleth menaçait de s’écrouler. Le poids des livres avait gondolé les étagères au point qu’Antoine clouait régulièrement des blocs d’appui contre le mur pour empêcher un effondrement généralisé. Il avait eu le tort d’acheter le meuble dans un vide-grenier : un jour ou l’autre il tomberait dans un ultime craquement. Même la femme de ménage refusait d’y faire la poussière, de peur de finir écrasée. Antoine n’avait pas osé répliquer que mourir sous les volumes de « La Comédie humaine » était somme toute une fin remarquable.

Éric Giacometti & Jacques Ravenne, « Le septième templier »

En conclusion

Je dirais que ce roman a de bons côtés, notamment celui de démystifier la franc-maçonnerie actuelle, mais peut-être un peu trop. On sait qu’en France, les francs-maçons se font un peu moins secrets que chez moi, en Belgique, mais tout de même, je ne m’attendais pas à autant de mystères dévoilés. Autre bon côté, celui d’étayer l’histoire des Templiers, de lui donner un souffle nouveau. Le bémol, c’est une intrigue peut-être trop convenue, qui, en tout cas, n’a pas réussi à m’en mettre plein la vue comme je l’aurais souhaité. Je ne sais toujours pas comment me positionner face au personnage de Marcas, je n’arrive pas à me faire une opinion tranchée. Impossible pour moi de décider si je l’apprécie ou non, et si j’ai envie de lire d’autres aventures en sa compagnie. Mais peut-être est-ce voulu ? Il a au moins l’avantage d’offrir du contraste, de ne pas être complètement lisse et insipide. La suite de l’année 2023 nous dira si je décide ou non de refaire un petit bout de chemin avec lui.

Ma note

13 / 20

Le roman

1307. Le roi Philippe le Bel et le pape Clément V ordonnent l’anéantissement total de l’Ordre du Temple. Mais dans l’ombre des commanderies, sept templiers vont organiser sa survivance par-delà les siècles.
De nos jours, le commissaire franc-maçon Antoine Marcas reçoit l’appel désespéré d’un mystérieux frère, sur le point d’être assassiné, qui lui transmet la piste d’un secret fabuleux : le trésor des templiers.
Au même moment à Saint-Pierre de Rome, le pape s’apprête à bénir la foule quand il est abattu par un tireur d’élite…
Du Paris initiatique aux arcanes occultes du Vatican, découvrez dans le nouveau Giacometti et Ravenne les étapes codées d’un parcours ésotérique, placé sous le signe de la croix du Temple…

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Acherontia Nyx est une fière trentenaire issue des pluvieuses contrées liégeoises. Fervente passionnée des cultures gothiques et metal, lectrice compulsive de SFFF, harpiste à ses heures, folle de randonnée et secrétaire de rédaction pour le magazine Metallian, elle aime semer à tout vent ses graines de folie qui germeront sans doute dans les esprits de ses lecteurs. Acherontia déteste le rap, les incivilités et l’odeur des pieds. En revanche, elle aime beaucoup Cthulhu, écouter de la musique en planant et profiter de son bol de Golden Grahams annuel à son anniversaire (le jour d’Halloween, ben tiens…).

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