[Chronique fantasy] Les neiges de l’éternel, de Claire Krust

J’ai sincèrement adoré ce premier roman de Claire Krust. J’ai surtout été très étonnée lorsque j’ai vu qu’elle l’avait écrit très jeune, car c’est un roman d’une grande finesse qui fait preuve d’une belle maturité.

Acherontia Nyx

Dans un Japon féodal fantasmé, cinq personnages racontent à leur manière la déchéance d’une famille noble. Cinq récits brutaux qui voient éclore le désespoir d’une jeune fille, la folie d’un fantôme centenaire, les rêves d’une jolie courtisane, l’intrépidité d’un garçon inconscient et le désir de liberté d’un guérisseur. Le tout sous l’égide de l’hiver qui s’en revient encore.

La loi d’attraction universelle

Ce roman m’avait tapé dans l’oeil déjà à sa sortie en août 2015. J’avais été interpellée par sa jolie couverture, et surtout par son titre. Il faut savoir que, pour moi, la neige a toujours été un symbole important, un symbole d’éternité, justement. Et puis une phrase du résumé est venue émoustillé ma curiosité : « la folie d’un fantôme centenaire »… Je ne l’avais pas pris, à l’époque, faute de budget. Donc, quand je l’ai vu dans ma liste de services presse disponibles, j’ai finalement craqué ! Merci aux éditions ActuSF pour l’envoi !

Narration particulière

Cela donnait l’impression de reconstituer un puzzle à partir de morceaux du passé. On pouvait partir à la chasse aux indices, à la chasse aux ressemblances, au jeu du « qui est qui ? » et du « qui a fait quoi ? ».

La lecture de ce roman peut paraître un peu déstabilisante au début. En effet, le livre se compose de plusieurs « nouvelles » qui, en apparence, n’ont pas de lien entre elles. Moi, en tout cas, je me suis trouvée toute chose lorsque ce que je croyais être le premier chapitre s’est arrêté tout à coup… pour reprendre sur une histoire totalement différente ! Je vous rassure, c’est normal. Ne lâchez surtout pas votre lecture pour si peu, ce serait dommage. Et quand je dis que les nouvelles n’ont pas de lien entre elles… c’est ce que l’on pense au début, mais plus on entre dans la seconde nouvelle, plus un sentiment d’étrangeté nous envahit, comme un « déjà-vu ». Et là, ça fait tilt ! Oui, le personnage central de la deuxième nouvelle n’est autre que le frère du personnage central de la première !

Bon, c’est vrai, j’avoue, il y avait déjà un gros indice dans le résumé… Le problème, c’est que je lis rarement les résumés de quatrième de couverture attentivement avant d’entamer le bouquin, alors ça pêche un peu.

Première particularité de ce roman, donc : il raconte une seule et même histoire, celle de la déchéance d’une famille japonaise bourgeoise, décimée peu à peu par une étrange maladie à laquelle on ne trouve pas de remède. Mais… et je dis bien mais… il est découpé en cinq récits différents, mettant en scène, soit des personnages différents, soit des personnages récurrents, mais à différentes époques de leur vie. Et là, on voit déjà se pointer la seconde particularité… Qui est : chaque récit constitue un bond dans le temps. Mieux encore, les récits sont assemblés de façon non linéaire, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas placés de façon chronologique ! Et ça, c’était chouette, parce que cela donnait l’impression de reconstituer un puzzle à partir de morceaux du passé. Et puis, dans chaque nouvelle, on pouvait partir à la chasse aux indices, à la chasse aux ressemblances, au jeu du « qui est qui ? » et du « qui a fait quoi ? ».

Fil rouge sur manteau blanc

Ce n’est pourtant pas à la neige ni à l’hiver que l’on pense lorsqu’on entend ce nom : « Japon ».

Le résumé nous parle de l’égide de l’hiver, et c’est vrai. Tout au long des cinq récits, la neige revient, infatigable. De ses flocons volés comme des baisers glacés, elle tisse le fil rouge de l’histoire aussi sûrement qu’elle compose son manteau blanc, touche après touche. Elle n’est pas d’une importance capitale dans le récit, loin s’en faut. Mais elle donne le ton, feutre l’ambiance, embrasse tendrement. Et le froid de l’hiver, lui, mord les peaux à pleine dent, ne fait qu’une bouchée des pieds mal chaussés, des promeneurs imprudents.

Pourtant, ce n’est pas à la neige ni à l’hiver que l’on pense lorsqu’on entend ce nom : « Japon ». La plupart d’entre nous penserait plutôt au printemps, et aux fleurs de cerisier qui essaiment leurs pétales comme autant de… mais oui, comme des flocons de neige, tient ! Finalement, vous voyez, on n’en est pas si loin !

Fil rouge et destins sanglants

Autant de destins très différents, et pourtant intimement liés. Un essaim de fils rouges qui viennent tisser la grande toile de cette famille sur le déclin.

Mais la neige n’est pas le seul fil rouge de cette trame atypique. Nous parlions de cette famille bourgeoise dont les héritiers sont peu à peu décimés par une maladie à laquelle on ne trouve pas de remède. De génération en génération, la famille se décime, le fossé se creuse entre les fastes d’antan et la misère actuelle, les drames humains se font de plus en plus lourds et poignants. Le lecteur vogue d’histoire en histoire comme un papillon qui butine des fleurs tantôt douces et sucrées, tantôt amères. Certains destins vous touchent, vous prennent aux tripes, comme celui de Yuki qui tente de sauver son frère au péril de sa propre vie, celui du vieux médecin qui ne veut plus soigner personne suite à un drame familial, celui du fantôme qui assiste impuissant au temps qui s’écoule et qui tente d’avoir une quelconque prise sur la vie, celui d’un petit garçon mourant qui n’a pas peur de passer de l’autre côté… Autant de destins très différents, et pourtant intimement liés. Un essaim de fils rouges qui viennent tisser la grande toile de cette famille sur le déclin.

En résumé

J’ai sincèrement adoré ce premier roman de Claire Krust. J’ai surtout été très étonnée lorsque j’ai vu qu’elle l’avait écrit très jeune, car c’est un roman d’une grande finesse qui fait preuve d’une belle maturité. Outre la structure du récit qui est totalement atypique et qui, en soi, n’est déjà pas facile à gérer pour une jeune auteure, il y a cette plume très poétique, et puis ces personnages aussi délicats que fouillés, ces chemins de vie très aboutis et toutes les réflexions qu’ils peuvent nous amener à avoir. Non, vraiment, je pense que si l’auteure persiste sur cette voie, elle a tout pour devenir une grande plume dans le domaine de l’imaginaire francophone. Le fantastique est au final peu présent par rapport à ce à quoi je m’attendais, mais ce n’est vraiment pas un problème pour les amateurs de l’imaginaire, qui y trouveront leur compte de bien d’autres façons, ne fut-ce qu’en se délectant de cette structure où tout s’imbrique de façon non linéaire. Un très beau roman que je recommande chaudement !

Ma note : 18/20

À propos de l’auteure

Claire Krust a commencé à écrire à l’âge de dix ans des histoires qu’elle ne terminait pas. Plus tard, elle découvre les littératures de l’imaginaire avec des auteurs de fantasy jeunesse (Pierre Bottero, Erik L’Homme, J. K. Rowling) puis à des auteurs adulte (Louise Cooper, Robin Hobb). Ces lectures lui ont permis de porter un regard critique sur son écriture et ses histoires. Dans une interview, Krust déclare avoir complètement réécrit Les Neiges de l’éternel, son premier roman, après avoir lu L’Assassin royal.

L’histoire de ce premier livre est née vers 2008, quand elle était au lycée, sous forme de nouvelle écrite pour un concours d’écriture. Quelques années plus tard, elle reprend l’histoire avec l’envie d’en raconter la suite et de développer d’autres personnages.   
Dans ses récits, les fantômes ont une place importante. En effet, Krust se passionne pour ces êtres morts mais toujours encrés dans la vie, pouvant être terrifiants ou amusants et dotés d’un point de vue particulier. Elle en fait une source d’inspiration inépuisable, pleine de potentiel.

En parallèle de sa nouvelle carrière d’auteure, Krust est rédactrice web chez Kreatic SAS.

Source : Éditions ActuSF

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