[Sorties] Foire du livre de Bruxelles 2016

[Sorties] Foire du livre de Bruxelles 2016

Foire du livre, case champagne, tournicoti-tournicoton et nouvelles acquisitions…

Samedi dernier, la petite Acherontia s'est rendue à la Foire du livre. Bien sapée dans sa vaporeuse tenue gothico-steampunk, dûment munie de son sac poulpe et d'un collant qui aimait à se faire insidieusement la malle, elle avait pour compagnie deux petits squelettes qui papotaient à l'abri du tissu de son corset. Comme chaque année, la Foire du livre de Bruxelles est pour elle synonyme de sortie en famille. Fait d'autant plus spécial cette année, sa mère fêtera bientôt ses 65 ans, et son ingénieur de frère a quant à lui fêté depuis peu ses 45 ans. La petite Acherontia, elle, célèbrera ses 30 automnes à la fin de l'année. Tout ces chiffres ronds, ou presque, cela se fête!

Une fois que tout ce petit monde eût passé l'entrée et mis ses fripes d'hiver au vestiaire, on commença à sillonner les allées, déambulant d'un stand à un autre au gré de ses envies, on fit du repérage pour voir quels auteurs on aimerait voir en dédicace et à quelle heure, on visita de mini expositions d'art fort sympathiques… Puis l'on tomba sur le bar à champagne…

Ah, mauvaise idée que ce fut là! La Foire du livre, c'est un peu comme un jeu de l'oie, les cases "livres" te font avancer, les cases "banque" signent ton arrêt de mort, les cases "champagne" te font reculer… tituber… baragouiner… enfin, quand on sait encore parler!

Parce que chez la petite Acherontia, il n'y a que les squelettes de son corset qui tiennent le crachoir. Dans le monde des blogueurs, il s'agit là d'un fait rare. La petite Acherontia souffre depuis sa tendre enfance d'un sévère stress social. Au menu des symptômes, amuse-bouche-cousue, cocktail au jus de trouille, potage de persilence, blancs de vol aïe, rapports cuits vapeurs, le tout accompagné d'une belle cruche qui sonne creux… Effet boeuf garanti! Pourtant, elle en aurait, des choses à dire, la petite Acherontia, si tous ses neurones ne se heurtaient pas dans une grande cacophonie encéphalique à la moindre interaction publique. La petite Acherontia est ainsi… un mystère pour scientifiques et psychologues réunis!

Mais la petite Acherontia a tout de même rencontré des gens sympas, qui eux, ont le mérite d'avoir des réserves de bla bla. Des gens sympas, le stand des Éditions du Chat Noir en était rempli. Mes plus profonds remerciements vont aux quatre sbires du sombre félin qui, tapis derrière leurs tables remplies de bouquins, attendaient nonchalamment le passage des chalands. Une charmante pink lady répondant au nom de Cécile Guillot, ainsi que les bien nommés sires Mathieu Guibé, Denis Labbé, et Anthelme Hauchecorne m'ont gentiment accueillies, non point avec une tasse de thé et un biscuit, mais avec simplicité et sourire. La petite Acherontia craint de n'avoir pas tout compris avec le bruit. C'est qu'elle possède une étrange ouïe inversée, voyez-vous… Là où les braves gens entendent la conversation par-delà le bruit de fond, l'oreille de la petite Acherontia fait tout le contraire. Il n'y a que le chaos sonore des concerts metal qui l'agrée, au final. Dommage, car la défaillance de ses sens l'a conduite à perdre de cette conversation toute la quintessence… Au moins se souviendront-ils de la petite Acherontia, de ses faux pas et de ses achats… car, bingo! le montant total s'élève à 66,6 euros! Le nombre de la bête, dit-on. Pas de quoi faire frissonner un glaçon…

Déçue d'elle-même et fâchée de son sempiternel silence, la petite Acherontia continue son petit tour, un peu moins guillerette qu'en début de journée. Son collant ambulant l'escagace amplement, ses souliers aux talons démesurés lui épuisent les pieds, le champagne remue encore ses méninges en tous sens, aussi décide-t-elle de se trouver un petit coin isolé. Rejointe par sa petite famille, elle picora comme un moineau le contenu d'une assiette de crêpes sucrées. Elle cherchait un peu de calme pour poser sa tête en vrac, mais se trouva fort désappointée lorsqu'un gus se saisit d'un micro et, pris d'une singulière mission, se mit en devoir de réciter aux bons clients bâfrant quelques extraits gastronomo-littéraires assez cinglants. Comble de l'agacement, et comme pour titiller les douleurs de la charmante tête de la petite Acherontia, le gus fut rejoint par une catherinette, qu'il invita à pousser la chansonnette. Cette histoire pittoresque de Madelon la gueuse, la petite Acherontia la trouva plutôt hideuse. Elle ne goûta pas le charme désuet de ce chant de cabaret, et repartit fissa vers les livres qui lui tendaient les bras.

Tournicoti-Tournicoton, la petite Acherontia use ses petons sur les tapis pas folichons. D'un stand à l'autre, c'est l'émerveillement qui prend le pas sur l'épuisement. Des libraires joviaux aux auteurs concentrés, des petits éditeurs locaux aux illustrateurs inspirés, des cuistots qui ont chaud aux files d'attente irritées, la Foire du livre bat son plein. La densité humaine force à marcher à tâtons, on se heurte à la foule qui grouille, aux gosses en vadrouille. La tête résonne du bruit des rires des mamies, des pleurs des tous petits, du papier qui rugit sous les doigts qui le plient. La petite Acherontia entend dans sa tête la voix tonitruante de Gandalf qui gronde un "Vous ne passerez pas!". Et elle de rire en s'imaginant lui présenter le multipass de Leeloo, dans le Cinquième élément.

Oh que si, elle passera! Vers la sortie, assurément! Car à trop tournicoter, elle finit par tituber sous le poids des heures de sommeil manquées. Les jambes flageolantes, elle ne désire qu'une chose, trouver la banquette aimante de la voiture de son frère, s'y asseoir, s'y assoupir avec délice. Dans une brume semi-comateuse que seule une très grande fatigue peut créer, la petite Acherontia déguste une pizza en compagnie de ses ouailles, appréciant le havre de paix de l'appartement fraternel. Bientôt, elle reprendra le train qui la ramènera chez elle. Avec difficulté, elle soulève son postérieur de la chaise et redescend les escaliers. Les rues nocturnes défilent et leurs serpents de lumière lui agressent les yeux. Des gouttes de pluie grasses se font tendre contre les vitres de la voiture, conférant au paysage des allures d'aquarelle trop humide. Bientôt, elle s'affalera contre la paroi métallique du wagon, sa petite caboche protégée par le velours dévoré de son manteau cintré.

De la Foire du livre, la petite Acherontia garde des souvenirs mêlés, curieux distillat de bonheur livresque et de frustration face à son propre mutisme. Il est des fois où la petite Acherontia en a marre, où elle perd espoir, où elle se voit comme un monstre de foire, un vilain petit canard. "I'm a creep, I'm a weirdo, what the hell am I doing here? I don't belong here…" chante-t-elle dans le secret de sa chambre. C'est qu'elle ne sait comment éradiquer cette malédiction dont elle est affublée. La vilaine fée Timidité ne lui a pas fait de cadeau alors qu'elle était encore au berceau. De ce fléau, elle devra subir les lourdes conséquences, moqueries à la garderie, dédain des classes de lutins, passages à tabac des classes d'ados gagas, et ça ne s'arrête pas là. De ses jeunes années, la petite Acherontia conserve cicatrices profondes, souvenirs amers et amour de soi en miettes. À viser les étoiles, elle a perdu le ciel. La lune a sa face cachée, sombre, cruelle. Mais un beau jour, la petite Acherontia prendra sa revanche sur la vie. Elle mettra une raclée à la fée Timidité, une bonne dérouillée à son self-esteem malmené. Elle prouvera aux canards cancaneurs de la très basse-cour scolaire que le vilain canard est devenu cygne. Elle mettra les voiles vers d'autres contrées, emmenant dans ses valises de belles poignées d'amour propre et de confiance en ses capacités. Il ne manque plus grand chose, juste le fait d'oser. Oser se lancer dans un projet qui depuis longtemps la fait rêver. Plus que quelques pas, le rêve n'est pas loin, il suffit juste… d'oser…