
Synopsis…
Depuis la naissance des États-Unis, deux des familles les plus puissantes d'Amérique se livrent une guerre impitoyable dont l'origine reste mystérieuse. Et lorsque Galilée, le fils prodige du clan Barbarossa, condamné tel le hollandais volant à errer sur les mers du monde entier, tombe amoureux de Rachel, la jeune épouse du clan Geary, l'affrontement prend une nouvelle ampleur. D'anciens secrets ressurgissent, des forces surnaturelles se déchaînent et emportent les amants dans un monde de cauchemar. Car ce qui est en jeu n'est pas seulement le pouvoir ou l'argent, mais bien la quête de l'immortalité
La loi d'attraction universelle…
Ce roman est mon second roman lu dans le cadre de mon partenariat avec les éditions Bragelonne/Milady/Castelmore pour ce troisième trimestre de l'année. Je remercie donc très chaleureusement les éditions Bragelonne pour ce partenariat et la découverte de cette lecture.
Le choix de ce roman de Clive Barker dérive d'une suite logique. Dès le début de mon partenariat avec Bragelonne, j'ai entrepris de chroniquer chaque (ré)édition des romans de l'auteur. Après Secret show, voici donc ma chronique de Galilée, qui sera suivie, dans quelques temps, de celle de Sacrement qui doit sortir dans le courant d'octobre.
Une bonne idée de départ…
À l'entame de ce roman, j'étais franchement emballée par le concept. Cette histoire de deux familles influentes, l'une riche à milliards et l'autre possédant un surprenant caractère surnaturel, deux familles qui se vouent une haine impitoyable pour d'obscures raisons, avait tout pour me plaire. Sans compter le fait que j'apprécie généralement ces grandes fresques littéraires dépeignant plusieurs pans de l'histoire, détaillant des généalogies qui n'en finissent plus.
Les premiers chapitres ont confirmé ce que je pressentais à l'ouverture du roman. L'ambiance très particulière m'a d'emblée rappelé le roman d'Anne Rice, Le lien maléfique, où il est aussi question d'une grande histoire familiale qui débute à l'époque des Celtes et se poursuit jusqu'à notre époque, avec un côté surnaturel et une ambiance particulièrement pesante comme je les aime.
Je commençais à comprendre qu'une des malédictions de la famille Barbarossa était l'apitoiement sur soi-même. Il y avait Luman dans son fumoir qui mijotait sa revanche contre des morts ; moi, dans ma bibliothèque, persuadé que la vie m'avait rendu un horrible service ; Zabrina enfermée dans sa propre solitude, boursouflée de sucreries. Et même Galilée – là-bas sous un ciel infini – qui m'écrivait des lettres mélancoliques évoquant l'inanité de sa vie. Tout cela était pathétique. Nous qui étions les fruits bénis d'un arbre si extraordinaire. Comment en étions-nous venus à nous lamenter sur nos existences, au lieu de trouver des motivations dans le fait de vivre? Nous ne méritions pas ce qu'on nous avait donné : notre prestige, nos dons, nos visions. Nous les avions gaspillés, tandis que nous pleurions sur notre sort.
Était-il trop tard pour changer tout ça? me demandais-je. Quatre enfants ingrats avaient-ils encore une chance de découvrir pourquoi ils avaient été créés?
Galilée, de Clive Barker
Un joli style d'écriture…
Le style d'écriture que j'ai découvert entre les pages de Galilée est très plaisant. La plume est fluide et littéraire, agréable à lire. Et même si certaines descriptions tirent un peu en longueur, le tout se lit avec bonheur et aisance.
Je me suis étonnée du fait qu'une bonne partie du récit soit écrit au présent, et à la première personne qui plus est. En fait, le roman est construit d'une façon assez originale. C'est Maddox, un des membres de la famille Barbarossa, qui raconte l'histoire à sa manière. Au début du roman, on le voit prendre la décision d'écrire un livre sur l'histoire de sa famille (la famille surnaturelle), et par conséquent aussi sur celle de la famille Geary (la famille riche à milliards), puisque les deux sont intimement liées.
Il est donc des parties où c'est Maddox qui raconte sa petite vie et ce qui se passe autour de l'écriture de son livre (parties écrites au présent), et des parties qui sont en fait des extraits de son livre en cours d'écriture (parties souvent écrites au passé simple).
Cela m'a un peu déroutée au début, mais ensuite, je me suis aperçue que ce n'était pas plus mal, car les parties "roman" et les parties "petite vie de Maddox" étaient dès lors bien séparées.
– Tu me rappeles… (Je devinais la suite) … ton père.
Je ne pense pas avoir répondu quoi que ce soit. J'étais bien trop intimidé. En outre, si j'avais essayé de parler, je doute que ma langue ait accepté de m'obéir. Alors, je restai planté là, tandis que Cesaria glissait vers moi, et le vacarme animal jaillit d'elle avec une férocité renouvelée.
Mais cette fois, ce raffut s'accompagna d'une vision, non pas dévoilée par le nuage, mais comme sculptée dans sa masse. Je n'en eus qu'un aperçu, Dieu merci, mais je suis certain que Cesaria m'en aurait laissé voir davantage si elle n'avait pas eu besoin de mes services. Ayant une autre idée en tête, elle m'en montra juste assez pour me faire perdre le contrôle de ma vessie ; trois ou quatre secondes peut-être, et encore. Qu'avais-je vu? Il ne sert à rien de dire qu'il n'y a pas de mots pour décrire cette vision. Les mots existent, évidemment ; il y a toujours des mots. La question est : suis-je capable de les manier suffisamment bien pour évoquer le pouvoir dont j'ai été le témoin? J'en doute. Mais permettez que je fasse de mon mieux.
Je vis, je crois, une femme entrer en éruption, par tous les pores de sa peau, tous ses orifices, et expulser des formes inachevées. Je la vis donner naissance, pourrait-on dire, non pas à une, ni même à dix, mais à mille créatures, dix mille. Cependant, cette description pose un problème. Elle ne tient pas compte du fait que, en même temps, Cesaria devenait… comment dire? Plus dense. Comme certaines étoiles, ai-je lu quelque part, qui, en se refermant sur elles-mêmes pour mourir, absorbent la lumière et la matière.
Galilée, de Clive Barker
Vous prendrez bien une part de glauque attitude?
Comme dans beaucoup de romans de Clive Barker, le récit comporte parfois un côté très glauque. Ce côté glauque, je l'ai retrouvé dans certains aspects de la famille Barbarossa, notamment dans le fait que Nicodemus (le père) soit, selon les dires de son propre fils, un "homme de sexe", qui conserve une collection d'objets sexuels hétéroclites, qui aime à se montrer nu dans un… certain état… à sa fille encore gamine, qui fait des… choses… avec ses chevaux par une nuit d'orage… Enfin soit, c'est quelqu'un que je qualifierais de peu recommandable, dieu ou pas.
Les Geary ne sont pas en reste en ce qui concerne la "glauque attitude", car certains d'entre eux ont des jeux sexuels des plus étranges. Il y en a un, notamment, qui paye de jeunes prostituées afin qu'elles fassent la morte pendant l'acte. Il les place dans une chambre froide, sur un lit de glaçons pour qu'elles aient la température des cadavres, et leur demande de ne pas bouger d'un pouce pendant qu'il leur fait dieu sait quoi.
Oui, je sais, c'est du lourd en matière de gens louches… Je crois que Clive Barker aime provoquer et susciter le malaise au travers de ses personnages. Après tout, l'horreur ne se mesure pas qu'au nombre de litres de sang versés et à la sauvagerie de certaines scènes gores. Les replis de certains cerveaux humains sont bien plus mal famés qu'une ruelle sombre des bas-fonds urbain après minuit, et l'auteur aime à nous le rappeler.
Dans la pièce voisine du bureau, où je me trouve présentement, Nicodemus avait entreposé sa collection de souvenirs, dont une grande partie a été enterrée avec lui, à sa demande. C'est là qu'il conservait le crâne de son tout premier cheval, ainsi qu'une vaste et bizarre collection d'objets sexuels créés au fil des siècles pour accroître le plaisir des connaisseurs. (Mon père avait une histoire pour chacun d'eux, toujours hilarante.) Mais il conservait bien d'autres choses dans cette pièce. Il y avait également un gant à crispin ayant appartenu à Saladin, l'amant musulman de Richard Coeur-de-Lion. Il y avait un rouleau de parchemin, peint pour lui en Chine, et qui décrivait, il me l'expliqua un jour, l'histoire du monde (même si mes yeux incultes n'y voyaient qu'un paysage traversé par une rivière au cours sinueux), il y avait également des dizaines de représentations des organes génitaux masculins – le lingam, la flûte de jade, la tige d'Aaron (ou, pour reprendre l'expression préférée de mon père, il Santo Membro, la sainte queue)-, dont certaines, je pense, avaient été gravées ou sculptées par ses propres prêtres et représentaient donc ce sexe dont j'avais jailli. Certains de ces objets sont toujours sur les étagères. Vous trouvez peut-être cela étrange, voire un peu répugnant. Je ne suis pas certain d'avoir envie de vous contredire. Mais mon père était un homme de sexe, et ces sculptures, malgré leur crudité, le représentent mieux qu'un livre sur sa vie ou un millier de photos.
Galilée, de Clive Barker
Trop de longueurs tuent la longueur…
Il est une chose qui m'a vraiment gênée durant ma lecture, ce sont toutes ces longueurs. Le style d'écriture a beau être fluide et se laisser lire assez plaisamment, j'ai trouvé que bon nombre de scènes n'apportaient rien à l'histoire. Elles nuisaient même au récit en cassant le rythme de l'action. Il y a eu des moments où j'ai carrément baillé, et, je l'avoue volontiers, lu certains passages en diagonale, voire les zapper.
Le roman aurait été meilleur, selon moi, sans toutes ces cassures de rythme. Il aurait tenu en 400 pages que cela aurait été aussi bien, et même mieux.
Parfois, j'avais même l'impression que l'auteur nous prenait pour des débiles profonds, en répétant certains bouts de phrases (histoire d'être sûr qu'on les ait bien lus) ou en insistant sur des détails qui me paraissaient insignifiants. Et comme tous les lecteurs de par le monde, je n'aime pas être prise pour une débile profonde. Donc j'ai trouvé cela très désagréable, et j'ai zappé ces passages, tout simplement.
Et tout cela sans compter que le roman prend vraiment trop de temps à démarrer. Après une première mise en bouche, où l'on voit le début de l'écriture du livre et quelques aperçus de l'histoire de la famille Barbarossa, l'auteur nous parle longuement de l'histoire de la famille Geary. Trop longuement à mon goût. Pas qu'elle soit inintéressante, au contraire. Mais pendant de très nombreux chapitres, aucun lien n'est fait entre les deux familles, si bien que l'on se demande quand l'auteur en arrivera au clou de l'histoire, c'est-à-dire la rencontre de Rachel Geary et de Galilée. Autant vous le dire tout de suite, cette rencontre n'arrive que vers la moitié du roman… Cela vous situe les longueurs que vous aurez à subir.
Ainsi, Galilée prit le large ; je ne peux vous dire où il alla. S'il s'agissait d'un ouvrage d'un tout autre genre, peut-être pourrais-je inventer les détails de son itinéraire, sélectionné à partir de livres et de cartes. Mais, en faisant cela, je miserais sur votre ignorance, je supposerais que vous ne remarqueriez pas l'inexactitude des détails.
Il est préférable d'avouer la vérité : Galilée prit le large, et j'ignore où il alla. Quand je ferme les yeux et que j'attends que me vienne une image de lui, je le vois généralement assis sur le pont mouvant du Samarkand agité par le roulis, en train de broyer du noir. Mais j'ai beau scruter l'horizon à la recherche d'un indice permettant de le localiser, je ne vois que l'immensité de l'océan. Pour un œil plus exercé que le mien, ces indices existent peut-être, ici même, mais je ne suis pas un marin. Pour moi, tous les paysages de mer se ressemblent.
Galilée, de Clive Barker
Galilée?
Un dernier point que j'aimerais soulever, et non des moindres, c'est ce personnage central, Galilée…
Je vous l'ai dit au paragraphe précédent, il n'apparaît réellement qu'au milieu du roman. Il est cité de temps à autres dans les pages avant, mais sans prendre de réelle substance. Ce qui est fortement agaçant pour le lecteur, car on finit par se demander si le choix d'appeler le roman galilée était vraiment judicieux. "Eh quoi ?", me suis-je dit. "Le roman s'appelle Galilée mais de Galilée on ne voit point. Qu'est-ce donc que cette publicité mensongère?"
Cela renforce donc le côté "l'auteur se fout de notre poire", ce qui est assez frustrant. Mais ce qui l'est encore plus, c'est que, quand ce fameux personnage apparaît, lui qui nous est présenté comme une sorte de messie, un dieu vivant (d'ailleurs, tous les membres de sa famille l'encensent et l'appelle "mon Galilée"), ses actions et ses paroles sont en totale contradiction avec ce qu'il est censé être. Il arrive de la mer telle une divinité des vagues sur son fier navire construit de ses propres mains, il séduit Rachel avec des histoires, un joli petit conte censé les mettre en scène de façon allégorique. Elle mord à l'hameçon, ils passent une nuit digne des cinquante nuances de Grey, et jusque là, on se dit "Waw, ce mec est un vrai dieu!". Le lendemain matin, alors que Rachel vient lui ronronner des mots doux et des promesses d'avenir à l'oreille, il la repousse et s'en va, la laissant seule avec ses doutes et sa fureur.
Vous y voyez un dieu, vous? Moi, personnellement, j'y vois juste un homme. Et un homme de base, qui plus est. Un beau parleur, un rhéteur venteux qui débite de belles promesses totalement creuses et qui prend le large dès que cela devient trop sérieux.
– Ce n'était pas sérieux, dit-il d'une voix ferme. Je croyais que tu avais compris que c'était juste une histoire.
Les larmes picotaient les yeux de Rachel ; elle sentait gémir le sang dans ses oreilles. Comment pouvait-il dire une chose pareille? Sa vision se troubla. Comment pouvait-il rester assis là et lui dire que tout cela n'était qu'un jeu, alors qu'ils savaient bien, l'un et l'autre, forcément, qu'il s'était passé quelque chose de merveilleux?
– Tu es un menteur!
– Peut-être.
– Tu sais bien que c'est faux!
– Comme toutes les histoires que je t'ai racontées, dit-il, les yeux fixés sur le pont.
Rachel aurait voulu lui rappeler toutes ses belles paroles concernant ce qui était vrai et ce qui ne l'était pas, mais elle ne se souvenait plus des arguments qu'il avait employés. Elle ne pensait qu'à une seule chose : il veut m'échapper. Je ne le reverrai plus jamais. Cette idée lui était insupportable. Il y a dix minutes, ils parlaient de sa maison au sommet de la colline. Maintenant, il lui disait de ne pas attacher d'importance à toutes ses paroles.
– Menteur! répéta-t-elle. Menteur, menteur, menteur!
Galilée, de Clive Barker
En résumé…
Vous l'aurez compris, j'ai été fortement déçue par le personnage de Galilée, censé être le centre de ce roman. Un centre creux, apparemment. Et même si, par la suite, il s'améliore un peu, cette déception initiale prend le pas sur le reste, si bien qu'il m'est resté antipathique jusqu'à la fin. Mêlez cela aux interminables longueurs et aux passages inutiles qui viennent casser le rythme de l'intrigue, et vous obtenez au final votre billet d'entrée pour le chemin qui vous fait passer totalement à côté de l'histoire.
Oh, bien sûr, tout n'était pas mauvais dans ce Galilée, car le style d'écriture était malgré tout très plaisant. Quelques bonnes trouvailles viennent émailler le récit de petits éclats d'or. D'un point de vue fantastique pur, il y a de bonnes choses dans ce roman, et certains personnages sont assez intriguants pour dire de donner du souffle au récit.
Mais clairement, Galilée se situe très en-dessous du Lien maléfique d'Anne Rice, dont je vous parlais en début de chronique. Je crois qu'il manque à ce roman un fil conducteur, ou s'il y en a un, il apparaît beaucoup trop tardivement. Dans Le lien maléfique, Anne Rice parlait du fait que la famille Mayfair était une famille de sorcières ayant invoqué un démon pour les servir. Très tôt dans le roman, le démon qui suit les femmes de la famille apparaît, aussi sait-on que c'est son histoire et le lien qu'il a avec ces femmes qui est décrit. On comprend dès lors aisément le pourquoi de toute cette fresque historique. Dans Galilée, pendant toute la première partie du roman, le lien entre les deux familles n'est pas clair. On se doute que c'est l'histoire d'amour entre Galilée et Rachel qui formera ce lien, mais cela prend trop de temps à se développer, si bien que l'histoire finit par perdre de son intérêt.
Donc si, au départ, vous n'aimez pas les grandes fresques historiques et généalogiques, clairement, ce roman n'est pas fait pour vous. Pour le côté fantastique et pour l'écriture plaisante, en revanche, c'est un roman qui est intéressant malgré tout.
Ma note : 13/20

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Votre dévouée,
Acherontia.
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Deuil, nouvelle publiée dans l'anthologie "13 nouvelles diaboliques"