[Chronique fantastique] Ghost love, de Loïc Le Borgne

Ces pages fleurent bon la rosée du petit matin qui se dépose dans les toiles d’araignée, le temps suspendu à l’instar de la poussière de l’air, le souffle d’un mouvement esquissé par un corps non physique, et le frisson qui fait se soulever les petits poils de la nuque.

Synopsis

La vie de Mathis a pris un tournant bien sombre depuis que son frère s’est tué en voiture. Oscillant entre soirées alcoolisées avec sa bande d’amis et job étudiant au journal du coin, son été s’étire dans la chaleur et la culpabilité. Il dérive jusqu’à Éléonore, jeune femme pleine de charme et de mystères. Ses goûts, ses paroles, ses passions s’accordent à merveille à ceux du jeune homme, bien qu’elle refuse tout contact physique… Sans cesse ramené au manoir abandonné du coin, Mathis s’embarque dans une histoire qui le dépasse, mais qui pourrait bien l’aider à panser quelques plaies.

Je connais surtout Loïc Le Borgne par le biais de son roman « Hysteresis« , déjà chroniqué sur ce blog et que j’avais, à l’époque, vraiment apprécié. C’est donc très logiquement que, ayant vu son nouveau roman dans la liste des services presse des éditions ActuSF, j’ai sauté sur l’occasion de lire une nouvelle histoire de sa plume. Je les remercie d’ailleurs chaleureusement pour ce roman ! Je dois dire que la couverture est magnifique et que j’ai totalement fondu en la voyant ! J’ai aussi vu passer son autre roman « Je suis ta nuit« , mais n’ai pas encore eu l’occasion de me pencher dessus, un manquement auquel je vais très bientôt remédier.

Eh bien, je dois dire que sur ce coup-ci, je suis plutôt déçue, je m’attendais à mieux de la part d’une plume comme celle de Loïc Le Borgne. L’écriture en elle-même n’est pas mauvaise, loin s’en faut, j’ai déjà lu bien pire en la matière. C’est plutôt l’intrigue qui me chiffonne, qui me laisse comme un sentiment de trop peu. Je n’aime guère parler ainsi, et pourtant il me faut bien l’évoquer car je me dois de jouer franc jeu, je l’ai trouvée même un peu insipide. En fait, je pense que je fais partie d’un public peut-être trop mature pour apprécier cette histoire sans prise de tête, sans comparaison ni analyse. Peut-être deviens-je trop vieille et, oserais-je le dire ?, un tantinet blasée. C’est possible. Toujours est-il que je suis passée à côté de l’intrigue, des agissements de certains personnages, de leurs buts et de la façon dont l’auteur nous les présente. Sans trop vous spoiler, mais pour vous donner un exemple de mon incompréhension, il y a une histoire de portail menant vers une sorte d’au-delà, et un des protagonistes cherche à fermer ce portail. Je n’ai juste pas saisi en quoi cette lubie était si importante pour lui. À part dire « il est méchant, et il cherche des noises aux gentils », je n’ai pas trouvé de raison qui me semble valable. Du coup, il se dégage de cette histoire, pour moi, une sorte de manichéisme que j’ai trouvé un brin puéril. Après, on est visiblement sur un roman s’adressant à un public de jeunes adultes, ou de grands ados, c’est selon. Il semble donc normal que l’intrigue soit adaptée en conséquent. Et pourtant, pour avoir lu d’autres romans destinés à un public « young adult », j’ai le sentiment que l’intrigue aurait pu être beaucoup plus complexe, avec des protagonistes plus nuancés.

N’ayant jamais été une grande fan des romances, même surnaturelles, je suis passée un peu à côté de cet aspect-là du récit. C’est sans doute dommage, parce que ça aurait pu pimenter ma lecture. Mais je suis certaine que celles et ceux qui apprécient ce genre y trouveront leur bonheur. Ce n’est pas, selon moi, le côté le plus mis en avant, je trouve d’ailleurs qu’un peu plus d’accent autour de cette romance aurait permis plus de profondeur dans l’histoire et les personnages. J’ai en revanche nettement mieux apprécié le côté spectral de l’histoire, la façon dont les fantômes sont représentés. Ce n’est pas hyper innovant en soi (et ce n’est pas non plus l’innovation que l’on attendait), mais les atmosphères sont bien rendues. On ressent bien cette ambiance de décrépitude régnant dans le manoir, et les flashbacks sur ce que le bâtiment a été à sa grande époque renforcent encore le tableau. On ressent aussi une évanescence, un côté vaporeux entre rêve et réalité. Les fantômes de ce roman se partagent entre le froid de la mort, de la séparation d’avec les vivants, et la chaleur de leur passion, de leurs sentiments. Ces pages fleurent bon la rosée du petit matin qui se dépose dans les toiles d’araignée, le temps suspendu à l’instar de la poussière de l’air, le souffle d’un mouvement esquissé par un corps non physique, et le frisson qui fait se soulever les petits poils de la nuque.

Le personnage d’Alice est très intéressant. L’auteur, dans sa postface, nous explique son intérêt pour elle, et je ne peux que le comprendre. Personnellement, je ne la connaissais pas du tout avant de lire ce roman, mais il semblerait qu’elle ait réellement existé. Pour celles et ceux qui souhaitent en savoir plus, il existe un article Wikipédia qui lui est consacré, ainsi que plusieurs articles sur des sites parlant de royauté. Le manoir dont il est question dans l’histoire existe lui aussi, sous le nom de Château du Haut-Buisson. L’auteur, fasciné par cette princesse Alice de Monaco, s’est donc renseigné sur le personnage pour mieux la mettre en scène. C’est un parti pris qui amène plus de profondeur au roman et qui m’a vraiment bien plu. J’aurais juste aimé que son histoire soit encore plus mise en avant, un peu comme le faisait Anne Rice dans sa saga des sorcières, où elle relatait par flashbacks les vies de ses sorcières, génération après génération.

Quant aux autres personnages, j’ai eu plus de mal à m’identifier à eux, ou en tout cas à les cerner. C’est, je pense, un problème qui vient plus de moi que de la façon dont ceux-ci sont construits. En effet, je n’ai pas vraiment été une ado comme les autres, je n’ai pas connu les amitiés, les sorties, les amourettes et toute la clique de joies et de conflits que cela peut générer. J’ai donc parfois beaucoup de mal à comprendre leurs réactions, leur psychologie, leurs motivations. Après, je pense que, malgré tout, bon nombre de jeunes adultes se reconnaîtront dans les différents caractères proposés.

Je dois quand même noter que j’ai apprécié le personnage de Mathis. Il n’a pas autant de profondeur que je l’aurais souhaité, mais je l’ai malgré tout trouvé touchant de par le deuil qu’il doit faire de son frère, et par la culpabilité qu’il ressent face à son décès. J’ai aussi apprécié, chez lui, son côté « poète maudit en mode rebelle ». J’ai aimé le fait qu’il soit de nature solitaire tout en étant capable de s’affirmer et de prendre sa place quand c’est nécessaire.

Mais voilà, en dehors des personnages d’Alice et de Mathis, je n’ai pas été hyper emballée par les autres, que ce soit les jeunes qui les entourent, les adultes qui tentent de leur mettre des bâtons dans les roues ou les deux « grands méchants » de l’histoire. Parlons d’ailleurs de ces deux derniers. Sar Lusignan, à mon sens, est méchant, mais pas assez. Il est manipulateur, certes, il est froid et dégage une certaine aura de menace, mais au-delà de ça, je l’ai trouvé un peu creux, à l’instar de ces créatures de carton-pâte que l’on voyait dans les vieux films du siècle dernier. Il lui manquait une vraie prestance, un charisme maléfique qui fait vraiment froid dans le dos, et surtout, un but en béton armé qui justifie toutes ses mauvaises actions. Quant à son sbire, le prêtre rouge, je n’ai pas compris l’intérêt de sa présence, à part peut-être renforcer le camps des « mauvais ». D’autant qu’il n’apparaît pratiquement pas, et ses interventions ne sont pas directes, c’est un peu comme s’il était juste là pour ajouter un côté « super evil » au décor. On se doute que, celui-là, c’est vraiment un méchant très méchant, d’ailleurs il est tout rouge, c’est bien la preuve ! Ah, je fais ma mauvaise langue, je sais. Mais bon, étant habituée à l’épouvante sous toutes ses formes, je m’attendais à mieux, et je suis restée sur ma faim. J’imagine que, étant dans un genre ciblé young adult, l’auteur ne pouvait pas se permettre d’aller trop loin dans l’horreur.

Du point de vue de l’écriture, par contre, j’étais plutôt contente. C’est un roman qui se laisse lire, l’écriture est fluide, le niveau de langue est très correct sans toutefois verser dans le littéraire (il est en tout cas tout à fait adapté au public cible). Les pages tournent aisément, et on arrive à la fin qu’on en a vu que du feu. C’est donc qu’il y a un très bon équilibre entre parties descriptives et scènes d’action. Il y a du rythme, des rebondissements, juste ce qu’il faut de suspens, le lecteur peut pleinement embarquer dans le train « Ghost love » et se laisser guider jusqu’à la finale les yeux fermés.

En résumé

Ce Ghost love a de nombreux points positifs qui, j’en suis sûre, lui gagneront des adeptes auprès des amateurs de romance surnaturelle et de littérature young adult. Que ce soit par le style d’écriture employé, assez réussi, ou l’équilibre entre suspens, action et parties descriptives, c’est un roman qui reste agréable à lire. J’ai trouvé moins de plaisir à côtoyer certains personnages, qui manquaient de charisme ou que je ne parvenais pas toujours à comprendre. Quant au camp des mauvais qui viennent enquiquiner nos héros, je l’ai trouvé franchement fadasse là où je m’attendais à des adversaires de premier choix, de vrais monstres de cruauté et de sadisme, effrayants à souhait. L’histoire, aussi, m’a semblé manquer de consistance, je n’ai pas bien compris l’importance des enjeux en présence.

Ma note

13/20

Fiche descriptive

Éditions : ActuSF

Année de parution : 2020

Collection : NAOS

Description physique : Grand format, 315 pages

Genre : Fantastique pour jeunes adultes

À propos de l’auteur

Loïc Le Borgne est un écrivain français, qui privilégie la littérature imaginaire (science-fiction, fantastique, fantasy).

Il est aussi l’auteur de romans pour enfants sous le pseudonyme de Loïc Léo.

Après des études scientifiques, d’histoire et d’information-communication, Loïc Le Borgne devient, de 1993 jusque début 2011, journaliste dans un quotidien régional de l’Ouest de la France.

Source : Babelio.com

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