[Mois de l’imaginaire 2019] 6 octobre – Royaume de vent et de colères

J’ai croisé un instant le regard du fantôme qui est passé devant ma porte. Il avait les mêmes yeux que Philippa. J’attendais un signe mais je ne pensais pas qu’il emprunterait les traits de ma défunte épouse. Le passé est là, sur mon seuil. Je n’ai plus qu’à le laisser entrer pour que le vieux Gabriel et le chevalier, enfin réconciliés, ne fassent finalement plus qu’un.

Quelle heure est-il ? Cela fait une éternité que je dois être assis à cette table dans la pénombre. Je ferme les yeux avec la certitude de voir mes victimes revenir me hanter. Rien. Aucun visage, aucun cri, pas même la simple image d’une goutte de sang. Les cauchemars qui m’ont pourchassé pendant toutes ces années se terminent aujourd’hui. Cette nuit, je n’en veux plus.

La tempête souffle dehors avec force, arrachant parfois une tuile qui va s’écraser sur les pavés. Chacune de ses rafales menace d’abattre les maisons pour m’enterrer vivant sous les décombres. Je n’ai plus peur. Le mistral pourra toujours souffler demain pour transmettre sa folie aux hommes comme il l’a fait pendant ces trois derniers jours. Fou, je le suis déjà et le diable, aussi cruel soit-il, n’a pas le pouvoir de briser deux fois le même destin.

Le sommeil me gagne immédiatement quand je m’allonge. Mes pensées se teintent peu à peu de la couleur du rêve. J’ai l’impression d’être une lame de tarot, battue avec les autres avant d’être tirée au hasard et placée par une main invisible sur une table infinie. Demain, les cartes seront retournées une à une, révélant les arcanes qui écriront l’avenir d’un destin qui nous dépasse. Oui, demain Marseille deviendra folle, la tempête soufflera plus fort encore pour abattre ses murs comme un château de cartes. Demain, je serai enfin chevalier.

Jean-Laurent Del Socorro, in Royaume de vent et de colères. ActuSF, 2015

N’oubliez pas de vous joindre à mon concours pour ce mois de l’imaginaire !

D’ailleurs, le cadavre exquis de ce roman donnerait ceci :

 » Alors même que j’avais fait un bisou à ma mère ce matin, j’ai pris le thé avec Sabrina l’apprentie sorcière pour pouvoir enfin m’offrir ce petit haut qui me faisait tant envie, et j’y ai perdu mon honneur. « 

Acherontia vous propose un chouette extrait du roman de Jean-Laurent Del Socorro « Royaume de vent et de colères »

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