
Notre progression se fait avec prudence – les dieux seuls savent quels pièges de Source peuvent avoir été tissés au long de ces tunnels. Sans parler des créatures à même de se lover au sein de leur noirceur infernale ainsi que des risques de glissement de terrain, voire d’effondrement du passage tout entier.
Le manque de lumière et les irrégularités du sol nous font perdre du temps. Nos lanternes aveugles éclairent à peine à un pied devant nous, et relever les traces de nos prédécesseurs à chaque bifurcation tient du miracle, dans ces tunnels où l’eau grimpe parfois jusqu’à mi-cuisse. Après avoir parcouru l’équivalent de trois cents doubles pas, la terre mêlée d’humidité laisse place à une roche calcaire, jaunâtre et suintante, qui débouche un peu plus loin sur une ouverture étrangement luminescente. Impossible de se retenir de grimacer alors qu’une odeur âcre, puissante et écoeurante s’en prend brutalement à nos narines. Du sang. Caillé, probablement. Et de toute évidence en grande quantité. De l’oeil et de la main, j’encourage Toaille et Edric à affermir leur prise sur leurs armes et à produire la meilleure qualité de silence dont ils sont capables.
Fermant momentanément les paupières, je dédie la part essentielle de mon attention à l’écoute. À bonne distance, quelques gouttes d’eau pliquent et ploquent avec régularité, mais de l’intérieur de la vaste grotte sur laquelle semble déboucher le passage, rien. À peine l’onde d’une brise légère chuintant faiblement au travers des corridors de quelques minces cheminées naturelles.
Dépassant Toaille, mes pieds alternent l’un devant l’autre avec la circonspection d’un marcheur de corde. Presque accroupi, je pénètre dans la caverne. Pas âme qui vive. Une marée de champignons verts et blancs, s’étendant du minuscule à l’énorme, déploie son étrange houle sur l’endroit, illuminant l’atmosphère telle une lune souterraine. Émanant le calme. Et la bienveillance.
Mais on ne pas pas s’y tromper, l’esprit de la mort a fait ripaille à cet endroit. Les effluves du massacre s’attardent partout, pour un peu on sentirait encore la peur et l’on pourrait deviner les cris.
Fabien Cerutti, in Le bâtard de Kosigan. Tome 2, Le fou prend le roi. Mnémos, 2015.
N’oubliez pas de vous joindre à mon concours pour ce mois de l’imaginaire !
D’ailleurs, pour ce roman, le cadavre exquis donnerait ceci :
» En revenant d’une virée arrosée à Las Vegas, j’ai trouvé Rocky Balboa dans une position compromettante pour me réconforter de ma catastrophique journée, puis je me suis aperçu que c’était complètement débile. «
Acherontia vous propose un chouette extrait du roman de Fabien Cerutti « Le fou prend le roi »
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Ping : #PartageTaVeille | 07/10/2019 – Les miscellanées d'Usva