[Chronique] La voix nomade, de Brian Merrant

[Chronique] La voix nomade, de Brian Merrant

Synopsis…

Que se passerait-il si, du jour au lendemain, la totalité de la population de la planète disparaissait?

Ary, 25 ans, analyste-programmeur contrarié, se retrouve confronté à ce phénomène alors qu’ils se lève un matin pour se rendre à son bureau.

Débute ainsi une étrange aventure qui le fera rencontrer Pier, un individu aussi énigmatique qu’absurde possédant un bus aménagé en appartement roulant doré d’un studio de radio.

Ary et Pier, devenus amis seuls contre la solitude et allant de surprises en aberrations, prendront la route en quête d’autres survivants afin de comprendre pourquoi sept milliards de personnes se sont évaporées subitement.

Mais les choses ne sont peut-être pas tout à fait ce à quoi elles ressemblent…

La loi d'attraction universelle…

Au départ, je ne connaissais pas du tout cette lecture. C'est grâce au service d'autoédition numérique Librinova que je l'ai découverte (et je les remercie au passage, et pour la découverte, et pour leur patience), lorsqu'ils m'ont contactée pour me proposer un partenariat sur ce roman.

Une belle idée de départ…

La voix nomade nous propose une apocalypse d'un type un peu particulier, un postulat original à la façon de M. Night Shyamalan dans son film Phénomènes. Là où le lecteur s'attend à rencontrer les flammes des Enfers, il ne trouve que le mystères et ses accompagnements de questions. Cela commence toujours par un "Et si…".

Et si l'humanité entière disparaissait du jour au lendemain sans laisser de trace? Et si il restait, malgré tout, quelques rescapés de cette terrible tragédie? Et si ces rescapés parvenaient à se rencontrer, à collaborer? Et si, par leur ingéniosité, ils mettaient au point un système capable de repérer d'autres isolés comme eux?

C'est là l'idée de départ proposée par l'auteur, une idée qui séduit, qui donne envie d'en savoir plus, qui tient en haleine jusqu'au bout de la nuit. Une idée qui glace les sangs, aussi. Et si c'était possible, après tout? Comment réagirions-nous?

Seul et perdu face à des phénomènes qu'il ne comprend pas, Ary tombe par le plus grand des hasards sur Pier, un sympathique bonhomme qui traîne derrière lui un passé un peu honteux. Pier est l'heureux propriétaire d'un bus qu'il a tenté de métamorphoser en studio de radio. Tenté, je dis bien… Car qui dit disparition des humains, dit aussi disparition de l'électricité. Et sans électricité, point de radio. Qu'à cela ne tienne! Ce n'est pas cela qui arrêtera nos deux amis. Quelques péripéties plus tard, la Voie Nomade prend enfin vie.

Cette idée originale m'a d'emblée emballée. Je n'ai pu m'empêcher de repenser aux ambiances très particulières des films de Shyamalan, et cela m'a plu. Et cerise sur le gâteau, l'intrigue débute dans un endroit que je connais un peu, à Saint-Brieuc en Bretagne. Je suis allée en vacances dans la région l'année dernière et m'y été bien amusée. J'étais donc heureuse de retrouver de petites notes de rappel de mon voyage, même si ce n'est plus du tout le Saint-Brieuc tel que je l'ai vu (un peu moins peuplé, un peu plus dystopique).

Je marchais vers la voiture et eu la surprise de découvrir le parking moitié moins rempli que les autres jours. Mais où étaient-ils tous partis? À moins que ce ne fût une blague, l'incongruité de la situation me fit tiquer. Mon tempérament introverti et, logiquement, détaché de pas mal de choses ne me faisait pas prêter attention à cette foultitude de détails insignifiants. Sauf peut-être pour le voisin avec son chien. Ça, c'était vraiment la plaie. "Qui pourrait ne pas l'entendre ce sale clébard? Bah!" Sinon, rien à faire des voitures, du parking, des éboueurs, de la radio et des sornettes. Juste le boulot qui tournait en rond dans ma tête comme un hamster sur sa roue. Ça par contre je ne pouvais pas y échapper. À l'angoisse de la journée s'ajoutait, perfide, le silence glaçant qui englobait la résidence. Les immeubles, dont celui où je vivais, semblaient gigantesques et prêts à toucher le ciel orageux avec leur toit gris sale et plat. Ils ressemblaient à d'immenses allumettes plantées là, bêtement, à la merci des intempéries et du temps qui passe sans jamais s'arrêter.

La voix nomade, de Brian Merrant

Une critique acerbe de notre société…

Et vous, comment prendriez-vous les choses, si l'humanité toute entière venait à disparaître, vous laissant seul sur Terre, ou presque? Regretteriez-vous la vie que vous avez connue jusque là?

Ary, lui, ne la regrette pas vraiment. Il semble même presque satisfait de la situation. Il faut dire aussi que notre héro de l'histoire n'était pas vraiment le héro de sa vie. D'une nature plutôt réservée, la société ne lui a pas fait de cadeaux – ah, comme je compatis! Aliéné à son train-train quotidien, enchaîné à une vie qui ne lui convient pas, obligé de se fondre dans le moule pour exister, Ary profite de la Grande Disparition pour verser son venin sur la société telle qu'elle était avant que l'Humanité ne prenne ce tournant décisif.

Je dois dire que le résultat de cette acerbe critique est assez plaisante à lire. Je suis certaine que bon nombre d'entre nous se retrouveront dans ce personnage emmuré dans son quotidien fade et répétitif.

En y réfléchissant davantage, ça se comprenait aisément et rapidement. Qui, en jurant une main sur le cœur et l'autre sur la Bible aurait sincèrement pu déclarer "Oui votre honneur, je le confesse devant Dieu et les Hommes. Depuis l'âge de 20 ans je me suis levé tous les jours à §H30 en respectant scrupuleusement un rituel qui me permettait d'affronter mes devoirs. Je me levais, puis je filais sous la douche, passais cinq minutes à me laver en écoutant toujours les mêmes chansons – cinq minutes, pas plus, sinon retard! – puis partais m'enfermer dans ma voiture qui me coûtais 300€ par mois sans compter le carburant et l'assurance, tout ça pour me retrouver coincé dans les bouchons avec des centaines d'ahuris comme moi, enrageant d'être en retard, maudissant l'autre con de devant qui n'avançait pas évidemment puisque ce con-là ne devait pas travailler évidemment puisque c'était un con et j'arrivais tous les matins soit en avance, soit en retard, je vous le jure votre honneur, et mon patron m'allumait, me remontait les bretelles, alors la journée commençait plutôt pas mal. Ensuite je travaillais, de 8h30 à midi. On m'autorisait à manger quand même, mais pas à faire de sieste puisque les horaires sont les horaires bon Dieu quand allez-vous comprendre ça et vous le caler dans le crâne, puis ça recommençait jusqu'à 18h, et mes collègues souriaient devant moi, persiflaient dans mon dos, s'inquiétaient de ma santé et râlaient de mes absences pour cet ulcère de la taille d'un citron qui me bouffait l'estomac, mais mon médecin m'a dit que ce n'était rien, juste un peu de stress.

La voix nomade, de Brian Merrant

Une fantastique aventure humaine…

Et puis vient cette rencontre d'un Ary déboussolé dans un monde désolé, et d'un Pier craintif mais déjà habitué à la situation. Leur relation ne sera pas toujours de tout repos. Au début, les deux rescapés se jaugent mutuellement, puis apprennent à mieux se connaître et s'apprivoisent peu à peu. Ils finissent par se dévoiler, chacun à sa manière, Ary en fervent détracteur d'une humanité morte et enterrée, Pier en aimable boyscout mécano un peu honteux de sa part d'ombre.

Vous l'imaginez, La voix nomade (le bus, pas le roman) finira par fonctionner et jouer son rôle de phare dans la brume dense de la solitude. Il y aura d'autres rencontres, d'autres apprivoisement, d'autres dévoilements. Certaines rencontres m'ont plu, d'autres un peu moins…

Je fermai les yeux, puis les rouvris. Le bus se trouvait toujours là.

– Mais qu'est-ce que ce truc fout ici? Tu peux me dire? Tu peux me dire pourquoi tu m'as fait marcher pendant 107 ans pour… Pour ça?? C'est ça ta putain de surprise à la con?

– Hé, du calme, vieux… Ouais, c'est ma surprise. C'est mon bus. J'le bricole depuis, pfiou… Au moins quatre ans, si c'est pas plus.

Je l'attrapai par les épaules et le secouai comme un vieux chêne bourré jusqu'à la gueule de glands. Et il devait y en avoir un paquet dans cette tête.

– Tu te rends compte qu'y a plus un seul péquenaud sur cette putain de planète et que toi tu m'emmènes voir un bus? Un BUS! Nom de Dieu c'est pas possible Pier, t'es complètement con!

– Calme-toi, Ary, s'il te plaît, sois un peu zen. Tu vas nous claquer dans les pattes à force.

– Ya de quoi!

– Mais non…

Je le lâchai brusquement et fis demi-tour, prêt à rebrousser chemin jusqu'à mon appartement. Que les murs aient été mauve criard, rose bonbon ou jaune pisse je m'en moquais comme de ma première ligne de code. Je voulais juste quitter cet abruti et rentrer chez moi. Mais j'entendis un bruit qui m'arrêta subitement, moi et ma colère. Je vis que Pier reniflait piteusement.

La voix nomade, de Brian Merrant

Misère humaine…

Si j'ai moins apprécié certaines de ces rencontres, c'est parce qu'elles m'ont mises mal à l'aise. Une en particulier… Sans en dire trop quant à l'histoire, il y avait ce type qui voulait se suicider et qu'ils ont réussi à dissuader. Après une longue phase de mutisme où l'on sent qu'il se reconstruit petit à petit, le type s'ouvre un peu plus aux autres et leur explique son histoire personnelle, celle qu'il a vécue avant la Grande Disparition. Une sombre histoire de viol commis dans une chambre d'hôtel sordide par un luxembourgeois qui se prenait pour Christian Grey.

À la base, je n'aime pas les histoires de viol. C'est un sujet qui me fait mal car j'ai pitié du personnage, tout fictif soit-il. Et assez curieusement, j'ai toujours l'impression de me salir l'âme à la lecture de ce genre de choses. Certains viols sont bien décrits, car l'auteur en dit juste assez pour qu'on le devine, sans toutefois sombrer dans des descriptions qui n'en finissent pas. Avec de la finesse et de la sensibilité, cela peut passer. Dans le présent cas, ce que j'ai lu m'a plus fait penser à une surenchère de détails glauques qu'à un texte délicat au sujet à peine suggéré. Cet étalage de laideur m'a vraiment déplu, dégoûtée même. Je me serais volontiers passée de tous ces détails qui, finalement, n'apportent rien, si ce n'est que de mettre le lecteur mal à l'aise.

J'avoue avoir décroché de l'histoire peu après ce passage. Chose que je ne fais jamais d'habitude, et encore moins dans le cadre d'un partenariat, j'ai lu la fin du roman en diagonale. Honte à moi… Mais je ne me sentais pas d'humeur à lire d'autres scènes de ce genre. Du coup, c'est vrai que je n'ai pas profité de l'intrigue ni des effets de surprise, mais bah… tant pis pour moi…

De quelques incohérences et autres poils hérissés…

Si le concept d'un monde vidé de ses habitants se tient au début très bien, on voit rapidement apparaître quelques incohérences et d'autres questions sans réponses. La première de ces questions a été, pour moi, celle-ci : mais comment font-ils pour ne pas souffrir de carences alimentaires? Ne se nourrir que de boîtes de conserve, ce n'est pas terrible pour l'organisme, tout de même… L'humain a besoin de légumes et de viande fraîche, non? Bon, c'était peut-être expliqué dans la fin du roman, mais je ne me souviens pas avoir vu passer ça dans ma lecture rapide.

Une autre chose, qui au début m'amusait, puis qui s'est rapidement mis à me taper sur le système, ce sont les petits surnoms que se donnent Ary et Pier. Ary-Trotteur, Ary-Magicien, Pier-Mickey et j'en passe. Quelques surnoms du genre m'auraient prêté à sourire, car cela aurait conféré une petit note d'humour au récit assez sombre et désabusé. Mais comme en toute chose, le trop nuit au bien. Force est de constater que le grand méchant trop s'est immiscé dans la sauce et l'a fait tourné vinaigre…

Une question de mise en page…

Ce qui m'a le plus déplu, dans ce roman, c'est évidemment la mise en page catastrophique, pour ne pas dire cataclysmique. Les dialogues étaient rédigés dans une autre mise en forme que les passages narratifs. Les caractères étaient plus petits, la police semblait différente. À priori, cela ne gène pas, c'est un parti pris comme un autre, et cela peut même donner du charme au roman. Là où je tique, c'est quand je vois des parties de narration écrites dans la même mise en forme que les dialogues, et débutant par un tiret… Le lecteur, habitué aux changements de typographie, interprète le passage en question comme étant un dialogue, et se trouve alors dans l'incompréhension la plus totale, parce que ça ne correspond à rien de ce que le personnage est censé répondre… C'était franchement gênant, et j'avoue que c'est aussi ce qui a fait qu'à un moment donné, j'ai arrêté ma lecture sérieuse pour adopter une lecture en diagonale, plus rapide.

C'est vraiment dommage, car le roman perd du coup toute sa force et son intérêt, alors que l'histoire méritait sans doute qu'on s'y plonge davantage.

En résumé…

J'ai vraiment beaucoup apprécié le début du roman. L'écriture est plaisante, l'idée est originale, on en envie d'en savoir plus, on se sent intrigué, happé par l'histoire. L'ambiance n'y est pas étrangère, car l'auteur a très bien su rendre cette atmosphère de désolation et d'écrasante solitude.

Malheureusement, chez moi, la sauce n'a pas pris. Les surnoms à deux balles m'ont irritée plus qu'amusée, le côté crade et cru de certains passages m'ont déplu, et même rebutée, la mise en page désastreuse a freiné ma lecture au point de la mettre pratiquement au point mort. Au final, j'ai tout bonnement bâclé la fin du roman. L'histoire me rendait carrément maussade par moment, la solitude des personnages m'écrasait littéralement, je me sentais comme engluée dans une mélasse de crasse humaine et de décombres. D'un côté, cela signifie que l'ambiance n'est pas si mal rendue. Mais moi, petite lectrice, j'avais un mal fou à me dépêtrer dans ces atmosphères qui me plombaient le moral. Ce n'est pas ce que je cherche dans une lecture. Je ne dis pas que je cherche à tout prix des lectures Bisounours qui empestent les couleurs flashy et qui dégoulinent de bons sentiments (ce n'est d'ailleurs pas mon style). Mais dans cette histoire-ci, il y avait un petit je-ne-sais-quoi de glauque qui ne m'a pas plu. Peut-être est-ce dû à cette histoire de viol bien trop détaillé qui m'a filé la nausée. Peut-être n'est-ce que mon imagination qui s'emballe bien trop vite et qui voit au-delà du texte des choses qui n'y sont pas. Ou peut-être que ce texte n'était tout simplement pas fait pour moi.

Ma note : 12/20. Je ne suis pas coutumière de ce genre de note, mais comme je le dis plus haut, ce roman n'était pas pour moi. Ce n'était pas un mauvais roman du point de vue de l'histoire, mais je n'ai simplement pas accroché.

[Chronique] La voix nomade, de Brian Merrant

À très bientôt pour de nouvelles aventures livresques…

…où nous verrons comment gagner sa vie en arrachant des canines, où un petit génie mollasson et une demoiselle maladroite adepte du théâtre aideront notre héroïne punko-gothique badass, où une sombre bataille se livre entre des vieillards édentés et des morts-vivants en blouse blanche, où des ninjas japonais vêtus à la façon "visual kei" se déchaînent à grand renfort d'ombrelle et où, enfin, un fantôme habillé en citrouille d'Halloween aura son mot à dire.

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