« Allô, c’est un enfant perdu qui vous parle.
Est-ce qu’il y a quelqu’un de l’autre côté ?
Non, vous êtes déjà morts.
Je suis l’enfant de vos enfants, je suis de votre sang.
Il y a une petite bougie allumée près de moi. Il faut économiser les bougies. Autour, c’est le noir de la cave, celle où je vis. »
Le temps a filé depuis la Panique, la grande, l’incommensurable débâcle qui a couru sur le monde, balayant jusqu’au dernier rêve d’une humanité autocentrée… Le temps a passé, oui, et il a fallu reconstruire comme on a pu. Essayer, en tout cas, et au prix fort : celui du savoir, bien sûr, mais aussi celui de l’espérance… Et quand Jason Marieke arrive à Rouperroux, misérable village accroché à sa survie précaire, lui, l’ancien, celui d’avant la Panique, homme en quête doté de connaissances mystérieuses et aux questions qui dérangent, alors semble sonner l’avènement d’une ère nouvelle, celle des réponses et du cortège d’horreurs qui les accompagne…
Romancier bien connu dans le champ des littératures dédiées aux plus jeunes, Loïc Le Borgne signe avec Hysteresis son premier roman « adulte », récit post civilisation très personnel, puissant, lyrique, porté par une langue ciselée et une sensibilité tranchante.
La loi de l'attraction universelle…
Ce qui m'a attirée vers cette lecture? La couverture et le titre, tout simplement…
Mon avis en résumé…
"Un excellent roman, magnifiquement écrit, et particulièrement lucide sur les turpitudes humaines. A tel point que je l'ai trouvé carrément glauque par moments. En ce sens, on ne peut pas dire que la lecture fut agréable, et pourtant je ne suis pas parvenue à décrocher avant la fin. Car au final j'ai aimé ces personnages qui se battent pour préserver le peu de bon qu'il reste en ce monde…"
Ma note : 8,5/10
Un univers glauque…
Loïc Le Borgne nous propose ici une excellent et terrifiante dystopie, nous plongeant dans une France post-apocalyptique où les humains ayant survécu à ce qu'ils appellent la "Panique" ont fondé de petites communautés aux secrets bien gardés. A partir de ce concept, l'auteur nous entraîne dans un voyage horrifiant au cœur de la folie des hommes. Folie des grandeurs pour certains, folie de suivre les meneurs pour d'autres, folie de rester fidèle à certaines valeurs pour les meilleurs d'entre eux. Ainsi nous voyons comment l'homme peut être amené à commettre les pires atrocités sous couvert de certaines idéologies qui paraissent inoffensives de prime abord, mais qui s'avèrent être de véritables bombes à retardement.
Du coup, il est vrai que la lecture ne fut pas très agréable. Extrêmement prenante de part l'intrigue, mais peu agréable de part le fond de l'histoire, qui rappelle de façon douloureuse la profonde connerie de certains hommes (ou femmes d'ailleurs), la barbarie dont certains sont capables, les horreurs commises au nom d'idées abstraites. Peu agréable parce que cela rappelle une certaine actualité qui fait mal lorsqu'on y pense, qui fait saigner le cœur et qui tord l'estomac.
Et pourtant, malgré cette atmosphère étouffante et nauséabonde, cette impression d'enfermement, d'écrasement, d'impuissance que j'ai ressenti tout au long de la lecture, je n'ai pu que dévorer les quelques 353 pages du roman. Je me suis laissé prendre au jeu de détective proposé par l'auteur, me suis laissé happer par cette intrigue machiavélique et presque délicieusement dérangeante jusqu'au dénouement, jusqu'à ce que mon impression d'étouffement arrive à son paroxysme, pour enfin disparaître. A l'instar de certaines âmes défuntes, on ne trouve le repos qu'une fois l'énigme résolue et le livre refermé.
Un titre évocateur…
J'ai été très intriguée par le titre de ce roman, pensant qu'il s'agissait d'un dérivé du mot hystérie. Ça aurait pu, oui, mais je crois que l'explication est plus complexe que ça…
Wikipédia nous dit : "L'hystérésis (ou hystérèse) est la propriété d'un système qui tend à demeurer dans un certain état quand la cause extérieure qui a produit le changement d'état a cessé."
Ce qui résume très bien le roman, où il est effectivement question d'une société qui, suite à une catastrophe écologique mondiale, veut à tout prix rester dans un état presque sauvage, avec ses croyances et des superstitions primaires. La catastrophe, ce qu'ils appellent la Panique, est passée depuis plus de quarante ans, et pourtant nous avons sous les yeux un village, une petite communauté, qui, ayant été obligée d'en revenir aux sources, refuse toute possibilité d'évolution qui lui serait proposée. Ce refus de la civilisation et de ses technologies, motivé par la "grande blessure" infligée par les pollueurs qui ont contribué à l'avènement de la Panique, est parfois poussé à un point tel que l'on voit ressurgir des comportements primaires et barbares. C'est une des choses étonnantes dans ce roman, selon moi, cette volonté qu'a ce village de finalement rester "dans sa merde", alors même que le héro, Jason Marieke, propose l'amélioration des conditions de vie grâce à des technologies qu'il a vu employer avant la Panique.
Jason Marieke…
J'ai été très touchée par le héro du roman, Jason Marieke. Survivant de la catastrophe, c'est un homme d'âge mûr qui a traversé de nombreux pays et de nombreuses épreuves douloureuses pour retrouver son village et la femme qu'il aimait à ses dix-huit ans. J'ai aimé sa façon d'être, simple et humble, et pourtant lucide par rapport aux véritables besoins de l'humanité, sans pour autant tomber dans les erreurs commises avant la Panique. C'est un homme profondément bon, qui tente par tous les moyens de préserver le peu de positif qu'il reste sur terre.
J'ai également été touchée par son histoire d'amour avec Florine, son amour de jeunesse enfin retrouvé. Loin de ces romances guimauves ou "sursexualisées" que l'on nous sert à toutes les sauces dans la littérature d'aujourd'hui, leur histoire reste simple, émouvante, car racontée avec beaucoup d'intimité et de sensibilité.
Les autres personnages aussi sont très intéressants, car chacun possède une personnalité forte. Chacun d'eux est merveilleusement décrit par l'auteur qui excelle à leur donner véritablement vie, tant chaque caractère, chaque histoire personnelle sont peaufinés jusque dans le moindre détail.
Il y a Romain, le conteur de notre histoire, qui sera un excellent témoin dans la vie et les affaires du village. Il y a des personnages très positifs, tels que Florine, Chanteclaire même s'il n'en a pas l'air, Aymeric Thévenard l'archiviste qui cherche à préserver toutes les traces possibles du passé pré-Panique.
Il y a d'autres personnages beaucoup plus inquiétants, des meneurs qui ne mènent pas aux bons chemins, tels qu'Aurore Desmoulins, la guérisseuse qui profite de son statut pour manipuler la population qu'elle maintient dans la hantise de toute forme de civilisation. Il y aussi les jumelles, Mélusine et Mélopée, du même acabit que leur tante Aurore, mais qui elles, manipulent les enfants du village en leur faisant croire aux fées et à leur colère devant la civilisation pré-Panique. Ces personnages-là, je dois l'avouer, m'ont beaucoup inquiétée de par leur fanatisme aveugle, la folie que cela induit chez elles et les manipulations qu'elles mettent en place pour imposer leurs idées au reste de la communauté.
Et puis il y a les suiveurs, le maire Léost, la vieille Fournigault, la famille Baadi et j'en passe. Ceux-là sont peut-être récupérables, une fois les meneurs mis hors d'état de nuire. Mais on a quand même envie de leur mettre une bonne paire de baffes pour leur ouvrir les yeux…
Journal intime…
Ce qui personnellement m'a moins plus, c'est le fait que le roman contient parfois des morceaux de journaux intimes, des extraits du carnet de notes de Jason Marieke contenant des poèmes ou des paroles de chansons. L'idée est bonne, excellente même, et la façon dont cela a été traité par Loïc Le Borgne est admirable, car il est parvenu à trouver des extraits de chansons qui collaient en tous points au texte ainsi qu'à la personnalité de Marieke, très genre "vieux routard américain". Mais moi, ça m'a moins touchée, j'aurais préféré trouver l'histoire d'un bloc, sans faire de détours par la case poético-musicale.
Lu dans le cadre du challenge "1 mois = 1 consigne 2015" pour le mois de janvier, où la consigne était de lire un roman publié en 2014…
Il me fait très envie 🙂
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je trouve plein de points positifs à ce roman; mais pourtant j’ai l’impression d’être passée à côté! mais il est suffisamment original pour mériter qu’on s’y attarde
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L’histoire a l’air sympa, ça rappelle un peu les films d’horreurs où les personnages principaux se retrouvent dans une sorte de village hanté ^^ Et j’avoue que la couverture attire carrément l’oeil !
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L’histoire est encore plus machiavélique que cela, mais c’est vrai que ça fait un peu « hanté » comme concept. Je vous le conseille ^^
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