[Noël 2014] Once upon a swap – 3 décembre

Once upon a swap…

Jour 4…

[Noël 2014] Once upon a swap - 3 décembre

Alors que le soleil dissipait peu à peu les nuages matinaux, Moïra entreprit d’aller se promener dans la belle région d’Agartha. Elle adorait la campagne environnante, avec ses bocages verdoyants, ses vallons ombragés et ses bois envoûtants. Le fond de l’air était très frais, et elle se demanda comment elle avait pu se balader sans manteau sans prendre froid quelques heures plus tôt. On commencerait bientôt à voir les premières gelées. C’était un moment que Moïra appréciait tout particulièrement, car le gel rendait les herbes presque croquantes sous les pieds. Ca lui rappelait les palais de caramel que préparait sa tante pour Noël, fins, croquants et diaphanes. Et lorsque la première neige recouvrait par endroit les prairies, elle aimait déguster ce qu’elle appelait une « bouchée parfaite ». Elle posait alors son pied à moitié sur une feuille d’automne gelée, croquante à souhait, et l’autre moitié sur la neige poudreuse qui crisse lorsqu’on la foule. Le mélange des deux sons, associé aux sensations sous ses chaussures, c’était juste divin ! Mais la neige n’était pas encore au rendez-vous, cette année, et cela manquait un peu à notre héroïne, qui espérait voir très bientôt la poudreuse sublimer ses promenades campagnardes.

Le chemin que suivait Moïra était bordé par une portion de forêt à gauche, et d’une large prairie en pente douce à droite. La haie de la prairie était vraiment particulière. Elle était formée par un alignement de hêtres maintenus à une hauteur d’un mètre cinquante, et certains d’entre eux étaient si vieux que leurs troncs étaient larges et sinueux. Leurs ramifications évoquaient parfois des corps en mouvement et donnaient au chemin de campagne un aspect totalement féerique. Moïra avait appris à connaître et à apprécier ce chemin bien avant de passer la porte et de récupérer sa Vision du monde, et pourtant déjà elle avait le sentiment de sentir dans cette portion de campagne une vie invisible et merveilleuse. A l’époque, elle aurait même juré entendre de petites voix fluettes chuchoter à son passage. A présent, grâce à sa Vision, elle pouvait attester qu’elle ne s’était pas trompée.

Car le sous-bois et la haie de la prairie fourmillait de créatures du Petit Peuple. Au printemps, on pouvait y voir bon nombre de fées venues entretenir les anémones Sylvie qui poussaient en surnombre à l’orée de la forêt. L’été était moins agréable, les vaches de la prairie attirant les taons et d’autres parasites, ainsi que des kobolds, qui sont légion dans cette région proche de la frontière allemande. On pouvait y voir aussi de nombreux gnomes des bouses, qui sèchent les déjections des vaches pour en faire des briques de chauffage. Leur petit commerce hautement lucratif attire en automne une kyrielle de lutins et de nutons qui font leurs réserves en prévision de l’hiver. Cette dernière saison est la plus calme de l’année, les kobolds sont rentrés hiberner sous les terres germaniques, les gnomes des bouses fêtent leurs fructueuses ventes autour de joyeux feux de bois dans les clairières, et les lutins se réchauffent dans leurs petites masures faites de bric et de broc. Seules persistent quelques fées qui s’affairent à préparer le retour du printemps en couvant tendrement les bulbes des perce-neiges, et quelque fois, l’on voit passer un Grand-Veneur ou deux, laissant planer leur ombre longiligne et inquiétante sur la neige cristalline et les impressionnantes congères qui ourlent le sentier.

Alors que Moïra marchait le long du sentier à la terre durcie par le froid, quelque chose de froid et de très léger flotta autour de ses cheveux pour se poser sur ses joues rosies. La première neige de l'année! Elle avait toujours trouvé la neige particulièrement romantique, imaginant que son prince charmant pourrait réchauffer son corps d'un simple baiser, et son cœur d'un amour sincère. Ça avait été longtemps son symbole préféré d'amour et d'éternité. Niaiseries, que tout cela! A présent, Moïra se rendait compte qu'elle ne connaissait plus rien à l'amour. Toutes ses certitudes étaient partie avec Nathaniel.

Elle fit une pause bien méritée au creux d'une clairière de grands hêtres, désireuse de se réchauffer au goulot de sa gourde de thé fumant. N'osant pas s'assoir à même le sol refroidi, elle s'accroupit et savoura toute la chaleur bienfaisante et sucrée de la boisson. Se faisant, elle crut entendre un bruit dans les taillis. Elle n'y fit guère attention au début, se disant intérieurement qu'il devait s'agir d'un animal des bois rentrant à sa tanière après une partie de chasse infructueuse. Un autre bruit vint la surprendre, puis un troisième, alors elle leva une oreille plus attentive, se demandant même si la fameuse guirlande de clochettes ne l'avait pas suivie.

Au bout d'une ou deux minutes, alors qu'elle n'entendait plus rien, Moïra s'apprêtait à reprendre sa marche lorsque brusquement, quelque chose de petit et de sombre déboula des taillis touffus. Incrédule, elle regarda la chose qui venait de sortir de l'ombre et qui, le plus naturellement du monde, s'était assise pile à l'endroit où elle était accroupie deux minutes plus tôt. Elle n'osait toutefois rien dire, de peur de faire fuir la créature. Celle-ci déballa le balluchon qu'elle portait sur l'épaule, en sortit une petite couverture à carreaux rouges et blancs, une petite fiole qui, à l'odeur, devait contenir un alcool d'origine indéterminée et au goût probablement très prononcé, ainsi qu'une longue pipe et un petit pot de tabac.

[Noël 2014] Once upon a swap - 3 décembre

Lorsque la créature vit qu'elle était observée, elle dévisagea ouvertement Moïra.

" Quoi?! T'as un problème? Tu veux un daguerréotype, peut-être?"

Comme son interlocutrice ne répondait pas, trop hébétée par ce qu'elle voyait, elle continua…

"Ben quoi?! Ah, c'est la fumée de la pipe qui te dérange? Beh si ce n'est que ça ma p'tite dame, faudra t'y faire, parce que j'vais te dire un truc, le tabac, pour moi, c'est la vie."

La créature s'exprimait en français, mais avec un accent des plus curieux, on eut dit un mélange de vieux français et d'irlandais. Sa petite voix était grave et rapeuse, et elle avait une tendance naturelle à rouler les r. Moïra se remua les méninges pour tenter de se rappeler le contenu de ses cours d'elficologie. Voyons voir… de quelle créature pouvait-il bien s'agir? Dans cette région de Belgique, à cette époque de l'année, elle ne voyait pas ce que ça pouvait être d'autre qu'un kobold perdu. Ou un nuton, peut-être. Ç’aurait pu être un sotê, mais ceux-ci préfèrent de loin les endroits humides, comme les tourbières des fagnes, ou les abords des cours d'eaux. Ce spécimen-ci était tout à fait particulier, compte tenu de son accent à couper au couteau.

"Ex… Excuse-moi, dit-elle, hésitante. C'est juste que… je ne m'attendais pas vraiment à vous rencontrer."

Comme la créature ne bronchait pas, elle continua.

"Vous… vous êtes quoi, au juste?"

– Ah! fit la créature, mi-triomphante, mi-désappointée qu'elle ne l'eût reconnu. Ça veut faire de l'elficologie, et ça ne sait reconnaître que les espèces autochtones! Pfffui!

– Alors… Vous n'êtes pas d'ici?

– Ah ça non! J'ai fait une longue route pour te rencontrer. Moi, j'viens d'Irlande, je suis un leprechaun. Mais je t'en prie appelle-moi Sean! C'est mon p'tit nom. C'est choli pas vrai?

[ouvrir le paquet]

Un leprechaun, mais bien sûr! Tout colle! La pipe, l'accent bizarre, les beaux souliers bien cirés qui font cloche sur la blancheur de la neige… Mais vu son aspect, eh bien… on aurait mieux fait de l'appeler un lépreux shaun! Tout échevelé, sans doute par le voyage, ses vêtements semblaient en lambeaux.

Rendez-vous demain pour la suite du récit!!

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