Once upon a swap…
Jour 2…
…Et ce quelque chose semblait émettre un son d’une extrême douceur, un tintinnabulement aussi léger que les pas d’une souris timide chaussée de pantoufles à grelots. Quel que soit la chose qui produisait ce son, c’était si divin que la chose en question ne pouvait pas être dangereuse. Moïra se décida donc à ouvrir la fenêtre en grand, laissant l’air nocturne s’engouffrer dans la chambre. Mais aussitôt fait, sa hardiesse se refroidit aussi rapidement que l’atmosphère et elle fila se cacher sous sa couette, le cœur battant la chamade.
Lorsque son sang cessa de battre à ses tympans et que sa respiration se fit plus calme, elle se permit de soulever un petit coin de couverture. La pièce semblait calme, quoique sensiblement plus fraîche. Seul continuait le tintinnabulement étrange, qui semblait provenir à présent de la tête de lit. Risquant un regard vers le haut, Moïra aperçut une chaîne de lueurs roses-orangées flottant au-delà de son oreiller. Alors qu’elle hésitait à se découvrir un peu plus pour voir la chose de plus près, elle se dit que si cette chose avait réellement représenté une menace pour elle, elle lui aurait sauté dessus d’entrée de jeu. Or cette chose-là se contente de « flotter » au-dessus de son oreiller, comme si elle attendait que Moïra baisse sa défense. Et comme souvent chez Moïra, c’est la curiosité qui l’emporte sur la peur, elle retira doucement, très doucement, la couverture et tendit le bras encore plus doucement, jusqu’à ce que son index arrive à la hauteur de cette chose qu’elle n’arrivait pas encore bien à visualiser. La chose se mit à tinter plus fort, comme si elle était impatiente d’entrer en contact avec elle. [Ouvrir le paquet]
Moïra se risqua à relever un peu plus la tête, et vit alors, à sa grande stupéfaction, qu’il s’agissait d’une guirlande de clochettes. De toutes petites clochettes, très délicates, teintées d’un rose poudreux tout à fait adorable. Il y en avait seize, au total. Elles étaient là, au-dessus de son lit, flottant dans l’air aussi paisiblement que du duvet de pissenlit dans une brise d’été. Elle approcha sa main un peu plus, et elles se mirent à tinter de plus belle. Et lorsque Moïra les toucha, elles frissonnèrent et vinrent s’enrouler autour de son cou. Ce n’était pas une manœuvre agressive, Moïra le sentit à la façon dont elles se posèrent tout en douceur, sans précipitation. De toute évidence, ces clochettes ne cherchaient pas à l’étrangler, mais bien à lui apporter un peu de réconfort et de magie en cette nuit où tout lui semblait si lourd et si difficile. Comme quoi, il y a du bon en ce monde, et si l’on y croit suffisamment, il ne peut nous arriver que de bonnes choses.
Alors que Moïra s’attendait à passer une nuit blanche, elle sentit ses paupières devenir lourdes, et eut soudain terriblement envie de sombrer dans le sommeil. « Ces clochettes ont décidément des propriétés insoupçonnées. » se dit-elle. « Elles sont apaisantes, et de toute évidence, leur tintement a des vertus soporif… »
Elle n’eut pas le temps de finir mentalement sa phrase, car à peine eut-elle posé sa tête sur le rebondit moelleux de l’oreiller qu’elle tomba profondément endormie. Elle n’eut d’ailleurs pas l’occasion de voir la première clochette de la guirlande, la plus brillante de toutes, se lover tout contre son cœur comme pour panser ses blessures.
Le lendemain matin, Moïra fut éveillée par sa guirlande de clochettes qui, ayant passé la nuit à ses côtés, s’étaient à nouveau mises à flotter et à tinter aux premiers rayons de soleil. Encore ensommeillée, elle se leva pour constater qu’elle s’était endormie toute habillée. Voilà qui tombait à pic, les clochettes semblaient ne plus tenir en place et il paraissait urgent de leur ouvrir la porte de la chambre. Une fois fait, elles s’engouffrèrent dans le hall de nuit et descendirent les escaliers dans un grand chaos de tintinnabulements furieux pour s’arrêter devant la porte d’entrée de la maison et faire mine de vouloir aller vers l’extérieur. Des effluves particulièrement alléchants venaient de la cuisine, sans doute des crêpes au sucre, et Moïra dut se faire violence pour remettre son déjeuner à plus tard et sortir en compagnie de la guirlande de grelots.
Une fois sortie dans la rue, la guirlande de grelots sembla chercher son chemin, flottant doucement dans l’air frais et humide du matin. Le temps semblait légèrement nuageux, mais on sentait le soleil poindre paresseusement dans le ciel, ce qui était fort heureux, car Moïra avait oublié d’enfiler son manteau en sortant. Les grelots parurent soudain décider de la direction à prendre, car ils s’arrêtèrent brusquement de flotter sur place et foncèrent droit vers la place du village. Moïra les suivit, non sans se poser de nombreuses questions quant à l’origine et à la destination de la mystérieuse guirlande volante. Mais celle-ci se déplaçait dans l’air de plus en plus vite, et elle dût courir pour la suivre sans la perdre de vue.
Les pavés inégaux de la place lui faisaient mal aux chevilles, d’autant plus que ses muscles n’étaient pas échauffés, et le froid ambiant lui donna rapidement mal aux poumons. Moïra se dit que, décidément, elle ferait bien de se remettre au sport… voici au moins une bonne résolution à prendre pour le nouvel an ! Lorsque notre petit groupe pour le moins étrange arriva à hauteur de la librairie, la guirlande s’immobilisa devant la porte de la petite échoppe.
C’était fermé, évidemment, il n’était que huit heures du matin, mais Moïra connaissait bien la libraire qui était amie avec sa tante Renelle, et elle savait que même à cette heure matinale, elle était déjà levée et prête à recevoir sa visite. Elle n’hésita donc pas à tirer la chaînette de la porte d’entrée, faisant tinter une grosse cloche à l’intérieur de la maison. De bruits de pas ne tardèrent pas à se faire entendre, et bientôt Miss Peregrine ouvrit, déjà habillée des pieds à la tête. A l’intérieur, l’air embaumait le pot pourri et le thé au caramel. L’estomac de Moïra protesta, mais elle n’y prêta pas attention.
Le regard de Miss Peregrine allait sans cesse de Moïra à la guirlande volante. La pauvre devait vraisemblablement se demander si elle n’était pas encore en train de rêver. La guirlande la tira de sa transe en faisant bruyamment tinter ses grelots. Cette dernière flottait devant la vitrine de la boutique, visiblement désireuse d’y entrer dans les plus brefs délais. Moïra ne savait que dire, et pourtant il lui fallait expliquer la situation…
« – Bonjour Miss Peregrine…
- …
- Je suis désolée de vous déranger de si bonne heure, mais… (elle réfléchit à une explication plausible qui lui permettrait de ne pas finir ses jours à l’asile) Mon père m’a envoyé ce jouet pour les fêtes de fin d’année. Son moteur fonctionne un peu comme une lampe à huile, alors je me demandais si vous aviez encore de l’huile en stock, pour que je puisse continuer à la faire voler. »
Pendant un temps, Miss Peregrine n’eut pas l’air de redescendre sur terre. Ce n’est qu’au bout d’une minute que ses yeux papillotèrent et qu’elle reprit peu à peu ses esprits.
« – Une lampe à huile, dis-tu ? hmm hmm, intéressant… Curieux… Mais intéressant. Viens, entre ! »
La librairie étriquée était rangée, pour une fois, sans doute en prévision des fêtes qui approchaient à grands pas. Moïra adorait cette boutique, avec ses étagères croulant sous les livres, son odeur de vieux papier, ses pots de stylos tous neufs, ses alignements de pots d’encres et ses piles de papiers en tout genre. Miss Peregrine saisit une grosse clé cuivrée derrière son comptoir et se retourna :
« – Attends-moi ici, je n’en ai pas pour longtemps. L’huile se trouve dans mon arrière-boutique, elle ne me sert pas souvent, et on ne m’en demande pratiquement jamais. Tâche de… euh… tenir à l’œil ton jouet… »
Elle avait prononcé ce dernier mot sur un ton particulièrement hésitant, et Moïra sourit dans son fort intérieur. Dès que Miss Peregrine s’en fut allée dans l’obscurité de l’arrière-boutique, les grelots se décidèrent à faire le tour du propriétaire, l’air résolu. Bientôt, ils s’arrêtèrent devant un présentoir d’articles de papeterie et se mirent à tinter de plus en plus fort. Moïra s’approcha et regarda les articles d’un air dubitatif. Sans trop y croire, elle s’adressa à la guirlande :
« – Je me demande ce qui peut bien t’intéresser à ce point, dans ce rayon… »
La guirlande ne lui répondit pas, bien entendu. En revanche, elle s’enroula autour d’une…