Les hauts de Hurle-Vent, par Emily Brontë

Les hauts de Hurle-Vent, par Emily Brontë

Résumé…

Lorsque Mr Earnshaw ramène d’un voyage un enfant abandonné, Heathcliff, les réactions de ses enfants évoquent les orages qui s’abattent sur le domaine des Hauts du Hurlevent. Le fils Hindley n’accepte pas cette enfant sombre et lui fait vivre un enfer. La fille, Catherine, se lie très vite à lui, d’un amour insaisissable et fusionnel. Tous trois grandissent, dans cet amas de sentiments aussi forts qu’opposés. Heathcliff devient un homme sans scrupule, qui jure de se venger des deux hommes ayant empêché le déploiement de son amour: Hindley, le frère ennemi, et Edgar, le mari de Catherine. La destruction de ces deux familles et de leurs descendances constitue alors son seul objectif. Dans les paysages sauvages et immuables des landes du Yorkshire, les déchirements sont nombreux, et cohabitent dans une passion extrême et des tourments destructeurs.

Ce qui m'a attiré vers cette lecture…

Actuellement très éprise de l'époque victorienne, et surtout des habits des dames de l'époque, j'attendais avec grande impatience une annonce pour le dimanche victorien qui se fait sur le blog d'Arieste.

Cette fois-ci, la lecture commune annoncée était justement ce livre-ci. Je ne l'avais encore jamais lu et je me suis laissée tenter… Après tout, un classique de plus ne fait pas de mal à mon ébauche de culture générale 😉

La première phrase – pas révélatrice du tout dans ce cas-ci…

1801 – Je viens de rentrer après une visite à mon propriétaire, l'unique voisin dont j'aie à m'inquiéter.

Un long dimanche victorien…

"Long", mais pas dans le sens "lassant", plutôt dans le sens "long et compliqué à résumer"…

Oui, il me serait bien impossible de résumer un si beau roman, si bien pondu et si torturé, en l'espace d'une seule petite chronique. Je vais m'y essayer en quelques paragraphes, mais ce genre de roman pourrait sans l'ombre d'un problème faire l'objet de multitudes de thèses et mémoires (ce qui, j'en suis sûre, est déjà le cas…). Pour un commentaire plus long de l’œuvre, et qui rejoint parfaitement la conception que j'en ai, je ne peux que vous renvoyer au commentaire rédigé par Raymond Las Vergnas, présent dans l'édition que j'ai lue et qui est celle éditée par le Livre de poche (ISBN 9782253004752 – on sent tout de suite ma vocation de bibliothécaire ;-)). Par souci de propriété intellectuelle, je ne copierai dans cet article aucun passage de ce commentaire, même en citation, mais l'ouvrage est aisément trouvable dans le commerce et en bibliothèque.

Je vais commencer par résumer l’œuvre en quelques mots : Génie, passion, sadisme, délabrement, mort.

Du génie de l'auteur…

Soulignons d'abord certains points relatifs à celle qui est à l'origine de ce roman, Mademoiselle Emily Brontë, à qui je tire au passage mon chapeau (haut de forme et à dentelles de préférence :-)). Quel génie a poussé cette demoiselle confinée dans un environnement docte, dans un univers au cadre très étroit, à écrire une œuvre aussi belle que tourmentée? Emily avait si peu d'expériences de la vie qu'il paraissait inconcevable qu'elle eût pu créer une histoire aussi monstrueuse, tant dans son contenu que dans son style et son ingéniosité. Et pourtant… Une lueur d'explication pourtant filtre au travers d'une phrase de Nelly Dean prononcée à l'intention de Lockwood : "Il n'y a pas dans cette bibliothèque un livre que je n'aie ouvert et même dont je n'aie tiré quelque chose".

Mais, ma chère Emily, si ma supposition est vraie, quelle bibliothèque diabolique et sombre possédiez-vous donc? Sans doute aviez-vous à votre chevet de nombreux romans gothiques, Ann Radcliffe et Horace Walpole en première ligne…

De la passion entre Heathcliff et Catherine…

Une passion certes très belle, mais une passion qui est loin d'être pure…

Catherine, elle, nourrissait des intentions pures lorsqu'elle déclare à Mrs. Dean : "Ma grande raison de vivre, c'est lui. Si tout le reste périssait et que lui demeurât, je continuerais d'exister ; mais si tout le reste demeurait et que lui fût anéanti, l'univers me deviendrait complètement étranger, je n'aurais plus l'air d'en faire partie. Mon amour pour Linton est comme le feuillage dans les bois : le temps le transformera, je le sais bien, comme l'hiver transforme les arbres. Mon amour pour Heathcliff ressemble aux rochers immuables qui sont en dessous : source de peu de joie apparente, mais nécessaire. Nelly, je suis Heathcliff! Il est toujours, toujours dans mon esprit ; non comme un plaisir, pas plus que je ne suis toujours un plaisir pour moi-même, mais comme mon propre être. Ainsi, ne parlez plus de notre séparation ; elle est impossible…"

Il est d'ailleurs amusant de l'entendre parler de rochers concernant Heathcliff, son nom signifiant presque "bruyère sur la falaise" (Heath = lande ou bruyère, et Cliff = falaise).

Si, au départ, la passion de Heathcliff pour Catherine est aussi pure, le mariage de Catherine avec Linton (choix totalement incompréhensible à mes yeux) le déçoit tant qu'il s'emploiera par la suite à faire souffrir tout qui a un lien avec Linton. De part cette haine, il salira la passion qu'il a pour elle, l'avilira à en faire souffrir Catherine jusqu'au point de non retour, la fera tomber si bas qu'il ira jusqu'à profaner la tombe de son aimée, et réduire en esclavage dans une torture psychologique et physique totale tous ceux qui ont compté ou qui auraient pu compter pour elle.

Contrairement à Catherine qui a su canaliser ses sentiments profonds (du moins mieux que lui…), lui va au contraire laisser sa passion et sa haine se mêler, et la tempête de sa colère se déchaîner. Et c'est avec de la patience qu'il aurait sa vengeance, torture après torture, acte de sadisme après acte de violence, il l'aura avec l'usure du temps… comme une falaise qui s'érode avec le vent.

Du sadisme dont fait preuve Heathcliff… et certains autres personnages d'ailleurs…

Violence, dites vous? Cruauté? Oh non, c'est pire que cela… Moi j'appelle ça du sadisme. C'est pratiquement une psychopathologie chez Heathcliff, c'est tellement naturel qu'il ne se rend même pas compte de sa propre abomination, au regard de cette déclaration : "C'est étrange mais je me sens pris de sauvagerie envers tout ce qui paraît avoir peur de moi! Si j'étais dans un pays où les lois fussent moins strictes et les goûts moins raffinés, je m'offrirais une lente vivisection de ces deux êtres comme amusement d'une soirée."

Honnêtement, qui, mis à part un homme sorti de l'hôpital psychiatrique, penserait à la vivisection comme d'un amusement?

Et les autres ne sont pas mieux… Ils suivent Heathcliff dans sa folie comme la queue d'une comète. A son arrivée à Hurle-Vent, Lockwood découvre un amoncèlement de cadavres de lapins qu'il a pris pour une portée de chatons (si ça ne fait pas très "antre de psychopathe", ça…). Edgar et sa sœur s'amusent à "presque écarteler un petit chien". Hareton passe son temps à pendre une portée de chiots au dossier d'une chaise. Heathcliff se venge d'Isabelle en pendant sa petite chienne. Quant au maladif Linton, son désir secret serait de torturer des chats…

Mais quelle est ce vent de folie qui souffle dans les têtes de ces gens?

Évidemment, les humains ne sont pas épargnés… injures, gifles, coups, humiliations récurrentes,… Les personnages que nous dépeint Emily Brontë sont torturés et sombres à souhait, à l'instar de leur environnement.

Du délabrement et des conditions de vie difficiles dans l'univers des personnages…

Une chose qui moi m'a marquée, ce sont justement les descriptions des lieux. L'histoire se passe dans la lande balayée par les vents. Si l'un de vous, chers lecteurs, s'est déjà rendu dans un pays de landes, il saura certainement à quel point cela peut être lugubre, morne, froid et triste. Malgré la bruyère, le paysage paraît aride et vide de toute vie. Le vent souffle continuellement en une longue plainte à vous glacer le sang, quand il ne tempête pas à vous faire dresser les cheveux sur la tête. Le ciel paraît souvent bas, ses nuages lourds de pluie et de tonnerre. C'est un pays déprimant, et les quelques éclaircies ne font que vous réchauffer momentanément le cœur. Ce n'est pas un hasard si Emily Brontë a choisi de placer son action dans un tel paysage. Il est identique aux sentiments de ses personnages. Leurs cœurs sont aussi arides, mornes et tempêteux que les terres sur lesquelles ils vivent.

La maison de Hurle-Vent aussi est très significative. Une vieille battisse en bonne partie délabrée, humide, froide, sombre,… Elle se prête à merveille aux histoires de fantômes et reflète si bien le caractère de son maître. Par opposition, il y a Trushcross Grange, un endroit accueillant, où un bon feu de bois brûle en hiver, où Nelly Dean prépare de bons petits plats, où il est bon aller se promener dans le parc verdoyant… Les deux demeures sont un symbole de l'opposition du caractère de Heathcliff, totalement délabré, à celui de la famille Linton, plus avenant.

Du thème omniprésent de la mort… Un livre qui n'est pas sans rappeler les romans gothiques…

Je parlais plus haut d'Ann Radcliffe et d'Horace Walpole. Il me paraît certain qu'Emily Brontë s'est largement inspirée des romans gothiques et de leur ambiance sombre pour écrire son roman. Comme en témoigne certains passages, où il est question de fantômes et où la mort pourrait paraître presque belle :

"Catherine Earnshaw, puisses-tu ne pas trouver le repos tant que je vivrai! Tu dis que je t'ai tuée, hante-moi, alors! Les victimes hantent leurs meurtriers, je crois. Je sais que des fantômes ont erré sur la terre. Sois toujours avec moi… prends n'importe quelle forme… rends-moi fou! mais ne me laisse pas dans cet abîme où je ne puis te trouver. Oh! Dieu! c'est indicible! Je ne peux pas vivre sans ma vie! Je ne peux pas vivre sans mon âme!"

"A la surprise des gens du village, Catherine ne fut inhumée ni dans la chapelle, sous le monument sculpté des Linton, ni en dehors près des tombeaux de sa famille. Sa fosse fut creusée sur un tertre verdoyant dans un coin du cimetière, à un endroit où le mur est si bas que la bruyère et l'airelle de la lande ont fini par passer par-dessus, et qu'il est presque enfoui sous une couche de terre tourbeuse. Son mari repose maintenant au même endroit. Chacun d'eux n'a, pour indiquer la place de sa tombe, au-dessus de sa tête qu'une simple pierre dressée, à ses pieds qu'un bloc gris tout uni."

En résumé…

Je ne peux pas dire que ce fut un roman "coup de coeur". La violence décrite m'a souvent écœurée (les humiliations subies par les humains sont insoutenables, et je ne peux non plus supporter de voir des animaux maltraités). Je me suis souvent demandé si la "passion" de Heathcliff en était vraiment une. Ou alors cela ne rejoint pas ma définition de passion amoureuse. J'ai du mal à imaginer qu'un amour puisse se solder en séance de torture psychologique, si déçu a-t-il pu être. Quand on aime, c'est au-delà de soi, on donnerait tout pour que la personne aimée soit heureuse, même s'il faut que ce soit avec un(e) autre. Pour Heathcliff, c'est une passion égoïste. Il aime mais il faut que ce soit réciproque, sans quoi sa colère est terrible. C'est évidemment toujours intéressant de lire une autre conception de l'amour et de la passion, mais lorsqu'on se heurte à une caractère aussi fort que le sien, on ne peut s'empêcher de se sentir déconcerté.

Ceci dit, il y a tellement de points que j'ai apprécié, admiré dans ce roman, qu'il me serait difficile de dire que je n'ai pas aimé. Je l'ai au contraire, adoré, dévoré tout entier en moins de temps qu'il faut pour le dire. L'intrigue est si absorbante que je me suis vraiment engluée dedans jusqu'au cou. C'est un excellent roman, quoi qu'il en soit et quoi qu'on pense des sentiments décrits.

Ma note : 19/20

Une chanson très à propos… Je ne vous cache pas que le clip a pris un sérieux coup de vieux XD

Lu dans le cadre du Dimanche victorien du mois d'août 2013

Lu dans le cadre du Dimanche victorien du mois d'août 2013

Lu dans le cadre du challenge "Petit Bac 2013", catégorie Phénomène météorologique : Les hauts de Hurle-VENT

Lu dans le cadre du challenge "Petit Bac 2013", catégorie Phénomène météorologique : Les hauts de Hurle-VENT

3 réflexions au sujet de « Les hauts de Hurle-Vent, par Emily Brontë »

  1. Un point de votre analyse que je souhaite commenter. Vous dites que le mariage de Cathy avec Edgar Linton est, selon vous, incrompréhensible. Je ne crois pas errer en affirmant qu’à l’époque, la seule manière pour une femme de s’accomplir réside dans le mariage. Elle se prend d’affection pour l’aimable Linton, qui la tire vers le "meilleur" d’elle-même (de par son côté, disons, hautement civilisé par rapport aux autres personnages du roman, même s’il n’appartient finalement qu’à la Upper Middle Class de l’époque), et souhaite l’épouser car c’est pour elle la seule manière de s’accomplir en tant que femme de "bonne" naissance. Dans sa confession à Nelly Dean, Catherine affirme que Hindley, en privant Heathcliff d’éducation depuis qu’il a succédé à son père en tant que maître de Hurlevent, l’a avili, et que se serait se dégrader elle-même que de l’épouser à présent. C’est à ce moment que Heathcliff cesse d’ailleurs, assez funestement, d’écouter. Et en effet, si dans les premiers temps de sa privation d’éducation, Heathcliff cherche à rester "au niveau" de Catherine (elle lui transmet ses cours…), il se fatigue vite de son travail physique et baisse les bras. C’est peut-être d’ailleurs pour avoir entendu cela, et parce qu’il tient Hindley comme responsable (sans doute à raison) de sa "diminution" intellectuelle qui l’empêche d’épouser Catherine, qu’il se venge sur Hareton en ne lui apprenant ni à lire ni à écrire, et en le laissant devenir un personnage rustre et vicieux, rendant au triple ce que Hindley lui a pris. Concernant par ailleurs la passion amoureuse d’Heathcliff et Catherine, elle n’est pas ordinaire. Elle n’est pas "romantique". Ils vivent l’un à travers l’autre, ils ont besoin l’un de l’autre, mais ne savent jouir de cet attachement – personne sauf les mauvais et méchants sermons de Joseph ne les éduque à l’amour. Nelly Dean elle-même est dépassée, comme tout leur entourage, par ces enfants turbulents et pénibles. Cet amour sera entaché par Hindley, et, incapables de le partager (ce n’est qu’avant la mort de catherine que les deux protagonistes s’avouent qu’ils s’aiment, mais il est trop tard, avant ce moment chaque tirade romantique qu’ils peuvent prononcer n’a pas l’objet de leur passion pour interlocuteur) chacun le vivra en lui-même. Il tuera Catherine a petit feu, elle qui aurait par ailleurs tout pour être heureuse, et pourrira et s’avilira en Heathcliff, faisant de lui un monstre.

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